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Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/267

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LES VERLAINIENS

des sentiments énergiques ou des fresques hardies, aux paysages ensoleillés, le croquis minutieux des impressions fugitives, des formes délicates et des atmosphères vaporeuses : « J’adore l’Indécis, confesse-t-il dans Dilection,

… les sons, les couleurs frêles,
Tout ce qui tremble, ondule et frissonne et chatoie,
Les cheveux et les yeux, l’eau, les feuilles, la soie
El la spiritualité des formes grêles.


Il s’en excuse presque en mettant sur le compte de l’hérédité ses goûts assez peu virils. Il dit de lui :

Fils d’un soleil atone et d’un pays d’hiver,
J’ai l’amour du changeant nuage et de la brume
Et des grands ciels d’ardoise où la houille qui fume
Panache les cités nostalgiques de fer.


Ses aveux sont du reste beaucoup plus précis dans ses Notes inédites. Il y expose ainsi les traits caractéristiques de nouveaux poèmes qu’il se propose d’écrire : « Je rêve en ce moment de petites choses à composer, exquises et légères, faites de rien et délicieusement suggestives, comme certains petits poèmes chinois. Cela devrait être fragile et précieux comme de la porcelaine, de la toute petite porcelaine où l’on prend un doigt de thé sublimé dont le parfum s’évapore des heures… Il me semble que je réussirai ces choses mièvres et parfaites. » Ce projet n’a jamais reçu d’exécution. La mort n’en a pas donné le temps au poète, mais il révèle de quels côtés penchent les prédilections de Samain. Ses rêves s’en vont de préférence « sur des nacelles roses, vers les îles d’Amour, en les lacs bleus écloses », en général vers tout ce qui peut charmer un être maladif épris de douceur et de joliesse : « Il y a des âmes femmes, » a-t-il écrit dans ses Pensées et réflexions. Son âme était de celles-là. Elle a fait de lui le chantre des délicatesses fanées. Au jour glorieux, il a pré-