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Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/353

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LES MALLARMÉENS

poètes du classicisme n’ont pas fait de la césure le pivot de la prosodie. Plus ou moins instinctivement, ils ont senti quelle était la constitution organique du vers et plus ou moins empiriquement ils ont appliqué les règles adéquates à sa vraie nature. Pour La Fontaine, Racine et Molière, par exemple, la question de la césure ne se pose même pas. C’est ainsi du moins que Gustave Kahn interprète les libertés souvent excessives que ces poètes ont prises dans la coupe de leurs vers.

La cellule organique du vers est constituée par un certain nombre ou rythme de voyelles ou de consonnes qui comportent une unité pour l’oreille et pour le sens, en d’autres termes un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens. Il s’ensuit que la métrique ne saurait plus être basée sur un nombre conventionnel de syllabes, mais sur une association rythmique de cellules métriques.

Pour composer un alexandrin il ne suffit pas de compter sur ses doigts douze syllabes [1], il faut savoir assembler des unités métriques. Pour cela, il n’est besoin que de les apparenter. Les parentés s’appellent allitérations et assonances. Deux unités métriques sont donc parfaitement associées quand elles ont entre elles des consonnes voisines ou des voyelles similaires. Il y a vers dès que ces cellules organiques sont associées selon ces lois. La conséquence en est qu’un vers peut avoir autant de syllabes qu’il sera nécessaire pour exprimer le mouvement de la pensée. Il sera long si l’émotion est intense, bref si l’émotion est rapide. Son

  1. Cf. sur cette définition cette curieuse notule : « Nous avions mis au concours la définition du vers parnassien. En voici le résultat : « Premier prix : un certain nombre de pieds qui se comptent sur des doigts. »

    » Remarque : le squelette humain, considéré digitairement, autorise-t-il le vers de douze pieds et l’enjambement ne commence-t-il pas logiquement après le dixième pied ? » (Entretiens politiques et littéraires, 1892, IV, p. 186. Notes et notules.)