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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je réponds par mes meilleurs sourires, pendant que le gommeux fait des grimaces implorantes et me prie de lui laisser porter ma queue. Il l’a fait hier et reçut le surnom de porte-queue.

Nous avons fait une partie de croquet.

Agréablement échauffée, je rentrai dans le salon chinois (ainsi nommé à cause des vases et des poupées) et m’asseyant, par terre, me mis à ranger mes pinceaux et mes couleurs. Mon père est incrédule quant à mes talents, Je fis asseoir Michel dans un fauteuil, Gritz dans un autre, et me plaçant par terre, je fis en quinze minutes la caricature de Michel sur une planche que Gritz tenait, me servant de chevalet. Et tout en donnant à droite et à gauche des coups de pinceau, je sentais que j’étais dévorée des yeux.

Mon père fut content et Michel me baisa la main. Je montai et me mis au piano. Pacha m’écoutait de loin. Bientôt arrivèrent les autres et ils se placèrent comme hier. Mais passant de la musique à la conversation, Gritz et Michel parlèrent d’un hiver à Pétersbourg.

— Et je m’imagine ce que vous y ferez, dis-je. Voulez-vous que je vous raconte votre vie à présent, et vous me direz après si je me trompe ?

— Oui, oui !

— D’abord, vous meublerez un appartement avec les meubles les plus saugrenus, vendus par de prétendus antiquaires, et avec des peintures les plus ordinaires vendues pour des originaux. Car la passion des arts et des antiquités est nécessaire. Ensuite, vous aurez des chevaux et un cocher qui se permettra des plaisanteries ; vous le consulterez et il se mêlera même de vos affaires de cœur. Vous sortirez avec un monocle sur le Newsky, vous verrez un groupe d’amis, vous