Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/165

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les bras croisés sur sa poitrine, regarda en face M. Wilson.

« Georges ! s’écria celui-ci.

— Oui, Georges, répliqua l’autre.

— Je ne pouvais y croire !

— Je suis passablement déguisé, n’est-ce pas ? dit-il avec un sourire orgueilleux. Un peu de brou de noix a fait de ma peau jaune un brun distingué, et j’ai teint mes cheveux ; en sorte que je ne réponds pas du tout au signalement, comme vous voyez.

— Oh ! Georges, vous jouez là un jeu bien dangereux ! je n’aurais pu prendre sur moi de vous le conseiller.

— Aussi en ai-je pris sur moi seul la responsabilité, » dit fièrement Georges avec le même sourire.

Nous remarquerons en passant que Georges était fils d’un blanc, et d’une de ces infortunées qu’une beauté exceptionnelle condamne à devenir l’esclave des passions de leurs maîtres, et à mettre au monde des enfants qui ne connaîtront jamais leur père. Descendu d’une des plus orgueilleuses familles du Kentucky, il en avait la finesse de traits et l’esprit indomptable. Il n’avait reçu de sa mère qu’une teinte claire de mulâtre, amplement compensée par l’éclat et le velouté de ses grands yeux noirs. Un léger changement, dans la teinte de sa peau et de ses cheveux, avait suffi pour le métamorphoser en Espagnol, et la grâce de ses mouvements, la distinction de manières qui lui était naturelle, lui avaient rendu facile le rôle hardi qu’il avait adopté.

Le brave M. Wilson, de caractère prudent et méticuleux, parcourait la chambre de long en large, « fort combattu et ballotté en esprit, » comme dit John Bunyan[1]. Partagé entre le désir d’aider Georges, et une certaine velléité de prêter main forte à la loi et à l’ordre, il marmottait, tout en marchant :

  1. Auteur du Pilgrim’s Progress, ouvrage religieux et allégorique, qui jouit d’une grande popularité en Angleterre et aux États-Unis.