Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/168

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pays, vous ! mais moi et mes pareils, nés de mères esclaves, quel pays avons-nous ? quelles lois y a-t-il pour nous ? Nous ne les faisons pas — nous ne les votons pas — nous n’y sommes pour rien. — En revanche, elles nous écrasent, et nous courbent à terre. N’ai-je pas entendu vos discours du 4 juillet[1] ? Ne dites-vous pas à tous, une fois l’an, que les gouvernements tiennent leur juste pouvoir du consentement des gouvernés ? Un homme qui entend ces choses ne saurait s’empêcher de penser, de rapprocher les protestations des actes, et de voir ce qui en ressort. »

La nature de M. Wilson se pouvait comparer à une balle de coton : elle était molle, douce, sans consistance, et embrouillée. Il plaignait réellement Georges de tout son cœur ; il avait une nuageuse perception des sentiments qui l’agitaient ; mais il croyait de son devoir de lui dire de bonnes paroles, avec une insupportable opiniâtreté.

« Georges, c’est mal ; je dois vous conseiller, en ami, de ne pas vous jeter dans ces idées-là. Elles sont malsaines, très-malsaines pour les gens de votre sorte. » M. Wilson s’assit devant une table, et se mit à mâchonner nerveusement la poignée de son parapluie.

« Maintenant, monsieur Wilson, dit Georges en s’avançant et s’asseyant résolument en face de lui, regardez-moi, s’il vous plaît. Ne suis-je pas ici un homme tout comme vous ? Voyez ma figure, voyez mes mains, voyez toute ma personne, et le jeune homme se leva d’un air fier. Pourquoi ne serais-je pas un homme aussi bien que qui que ce soit ? Écoutez, monsieur Wilson, ce que j’ai à vous dire. J’avais un père, — un de vos gentilshommes du Kentucky, — qui ne m’a pas jugé digne d’être mis à part de ses chiens et de ses chevaux ; qui n’a pas même songé à me préserver d’être vendu après sa mort pour

  1. Anniversaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis.