Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/360

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Chloé continuait à palper les volailles d’un air distrait. Évidemment son esprit était ailleurs. Enfin, avec le rire bref qui, chez les gens de sa race, précède souvent une proposition hasardée, elle dit :

« Seigneur bon Dieu ! pourquoi donc maître et maîtresse se tracasseraient-ils à faire de l’argent, au lieu de se servir de leurs mains ? — Et elle se mit à rire de nouveau.

— Je ne te comprends pas, Chloé, dit madame Shelby, devinant à certains indices que chaque parole de la conversation qui venait d’avoir lieu entre elle et son mari avait été entendue.

— Eh ! Seigneur, maîtresse, dit Chloé toujours riant, les autres maît’s louent leurs nèg’s, et en tirent gros : ils s’amusent pas à garder un tas de monde pour gruger la maison, et tout !

— Eh bien Chloé, qui nous proposerais-tu de louer ?

— Seigneur ! je propose rien du tout, maîtresse ! seulement Sam, le noir, dit qu’il y a à Louisville un de ces confesseurs, comme on les appelle, qui voudrait trouver une bonne faiseuse de gâteaux et de pâtisserie. Il a dit qu’il lui donnerait quatre dollars par semaine : il l’a dit !

— Eh bien, Chloé ?

— Eh bien, maîtresse ! il me paraît être grand temps que Sally mette un peu la main à la pâte. Sally a pris bonnes leçons de moi, et elle fait quasi aussi bien ; — c’est-à-dire quand elle s’applique. Et si maîtresse voulait me laisser aller, j’aiderais à faire l’argent. Je crains pas de mettre mes gâteaux, ni mes pâtés non plus, à côté de ceux de n’importe quel confesseur.

— Confiseur, Chloé.

— Seigneur bon Dieu ! maîtresse ! y a pas grand’différence : c’est si curieux les mots ! ça veut pas toujours se laisser dire par pauv’ monde.

— Mais, Chloé, il te faudrait laisser tes enfants.

— Oh ! les garçons être bien assez grands pour se tirer