Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/369

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elle ne connaissait que trop la marche perfide de ce mal insidieux qui moissonne les plus beaux, les plus aimés, et qui les marque de l’irrévocable sceau de la mort, avant que la moindre fibre de vie paraisse atteinte. Elle avait remarqué cette toux légère et sèche, ces joues plus brillantes de jour en jour. L’éclat de l’œil, l’agitation fébrile des mouvements ne pouvaient lui faire illusion.

Elle essaya de communiquer ses inquiétudes à Saint-Clair, mais il les rejeta bien loin, avec une impatience nerveuse, toute différente de sa nonchalance habituelle.

« Oh ! trêve aux croassements, cousine, je les ai en horreur ! Ne voyez-vous pas que l’enfant grandit ? — Il n’y a pas, au moment de la croissance, jeune fille qui ne maigrisse.

— Mais cette toux !…

— Sottises ! la toux ! — ce n’est rien ; — un léger rhume, peut-être.

— Mais, c’est justement ainsi que cela commença pour la pauvre Éliza Jane, et pour Hélène, et pour Maria Sanders…

— Oh ! faites-nous grâce des listes funéraires et des contes de revenants. Vous devenez si prévoyantes et prédisantes, vous autres matrones, qu’un enfant ne saurait éternuer ou s’éclaircir le gosier, que vous n’évoquiez le désespoir et la ruine. Prenez seulement soin d’elle ; préservez-la de l’air du soir, ne la laissez pas trop jouer, et elle se portera à merveille ! »

Ainsi parlait Saint-Clair, mais il était nerveux, agité ; il surveillait Éva avec une sollicitude fébrile, que laissaient percer de continuelles affirmations : « L’enfant allait bien, — très-bien ; — ce n’était rien que cette toux ; — elle venait de l’estomac ; — il n’y avait pas d’enfant qui n’y fût sujet. » Il disait, mais ses yeux ne quittaient plus Éva. Il voulait qu’elle l’accompagnât à cheval dans ses promenades ; il apportait sans cesse pour elle des pâtes, des recettes, des mets fortifiants. — « Non qu’elle en