Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/427

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aime mieux ne rien entreprendre que de s’exposer à faillir.

Cependant, à certains égards, Saint-Clair était devenu un autre homme. Il lisait attentivement la Bible de sa petite Éva. Ses rapports avec ses domestiques le préoccupaient davantage, — assez pour le rendre mécontent de sa conduite passée et présente. Peu après son retour en ville, il commença les démarches nécessaires à l’émancipation de Tom. Cependant chaque jour l’attachait davantage à ce fidèle serviteur. Personne, dans le monde entier, ne semblait lui rappeler autant Éva. Il aimait à l’avoir constamment près de lui, et muet, inabordable sur tout ce qui touchait ses sentiments intimes, il pensait presque haut devant Tom. Qui eût pu s’en étonner en voyant avec quelle expression tendre et dévouée Tom suivait partout son jeune maître !

« Eh bien, Tom, dit Saint-Clair le lendemain du jour où il avait entamé les formalités légales pour son affranchissement, je vais faire de toi un homme libre ; ainsi corde ta malle, et tiens-toi prêt à partir pour le Kentucky. »

L’éclair soudain de joie qui brilla sur la figure de Tom lorsque, levant ses mains au ciel, il s’écria : « Béni soit le Seigneur ! » déconcerta Saint-Clair. Il était fâché que Tom fût si joyeux de le quitter.

« Tu n’as pas si mal passé ton temps ici, que tu doives être ravi d’en sortir, Tom, dit-il sèchement.

— Non, non, maître ! ce n’est pas ça, — c’est d’être un homme libre ! C’est là ce qui me réjouit.

— Eh ! Tom, ne penses-tu pas, qu’en ce qui te touche, tu ne t’es que mieux trouvé de n’être pas libre ?

— Non, en vérité, maître Saint-Clair, dit Tom avec un énergique élan ; non, en vérité !

— Mais, Tom, jamais avec tes dix doigts tu n’eusses pu gagner de quoi te vêtir et te nourrir, comme tu l’as été chez moi.