Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/459

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aux deux femmes, et à un lot d’esclaves pour les plantations.) Il en donna avis à ses fondés de pouvoirs.

L’un des frères étant, ainsi que nous l’avons dit, un chrétien, habitant d’un État libre, se sentit pris de quelques scrupules. Il ne se souciait pas de trafiquer d’esclaves et d’âmes immortelles, — la chose lui répugnait ; mais d’autre part, il y avait trente mille dollars en jeu, et c’était trop d’argent à sacrifier à un principe. En sorte qu’après avoir beaucoup réfléchi, et demandé l’opinion de ceux qu’il savait être de son avis, le frère B. écrivit à son chargé d’affaires de disposer des immeubles de la manière qui lui semblerait le plus convenable, et de lui faire passer la somme.

Le lendemain du jour où la lettre arriva, Suzanne et Emmeline furent envoyées au dépôt, pour y attendre la vente générale.

La pâle clarté de la lune, qui filtre à travers les fenêtres grillées, éclaire la mère et la fille. Toutes deux pleurent, mais chacune à part et sans bruit, afin que l’autre ne puisse l’entendre.

« Mère, posez votre tête sur mes genoux, et essayez de dormir un peu, dit la jeune fille, s’efforçant de paraître calme.

— Je n’ai pas le cœur de dormir, Emmeline ! Je ne peux pas. C’est peut-être la dernière nuit que nous passons ensemble :

— Oh ! mère, ne dites pas cela ! Peut-être serons-nous vendues au même maître, — qui sait ?

— S’il s’agissait de toute autre, je dirais aussi, peut-être ? reprit la femme ; mais j’ai si grand’peur de te perdre, Emmeline, que je ne vois que le danger.

— Pourquoi, mère ? L’homme nous a trouvé bonne mine, et il a dit que nous ne manquerions pas d’acheteurs. »

La mère se rappelait trop bien les regards et les paroles de l’homme. Elle se rappelait, avec un affreux serrement