Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/466

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au moment où le commissaire-priseur proclame le prix de l’adjudication. C’en est fait, — Tom a un maître.

On le pousse hors de l’estrade. Le gros homme à tête de taureau le prend rudement par l’épaule, le tire à l’écart, et lui dit d’une voix rauque : « Reste-là, toi ! »

Tom ne comprenait qu’à demi. Cependant la vente va son train, — le vacarme redouble, — tantôt en français, tantôt en anglais. Le marteau levé retombe… Suzanne est vendue. Elle descend de l’estrade, s’arrête, se retourne avec anxiété vers sa fille, qui lui tend les bras. Dans son agonie, elle regarde son nouveau maître : — c’est un homme entre deux âges, d’un aspect respectable, d’une physionomie bienveillante.

« Ô maître, achetez ma fille, je vous en supplie !

— Je le voudrais ; mais j’ai peur de n’en avoir pas les moyens, » dit le brave homme en suivant de l’œil avec intérêt la jeune fille, qui monte sur l’estrade et promène autour d’elle des regards effrayés et timides.

Son sang agité colore ses joues pâles, le feu de la fièvre allume ses yeux, et la mère frémit en la voyant plus belle qu’elle ne l’a jamais vue. Le crieur aussi profite de sa chance, et discourt avec volubilité en son mauvais jargon anglo-français ; les enchères montent rapidement.

« Je ferai tout ce que je pourrai, » dit le bienveillant gentilhomme, se joignant aux enchérisseurs et offrant son prix ; mais en quelques secondes il est dépassé ; tout ce que contient sa bourse n’y suffirait pas. Il se tait : le commissaire-priseur s’échauffe ; les enchères se ralentissent ; maintenant, la lutte n’est engagée qu’entre un vieil aristocrate de la Nouvelle-Orléans et notre ignoble connaissance au crâne dur et rond. Le noble personnage, mesurant de l’œil avec dédain son adversaire, fait encore quelques offres ; mais le manant persiste ; il l’emporte sur l’autre de toute la force de son obstination, et de toute la profondeur d’une bourse bien garnie ; aussi la rixe ne dure-t-elle qu’un moment : le marteau tombe… Il a la