Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/473

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L’étranger s’éloigna, et alla s’asseoir près d’un monsieur qui avait écouté la conversation avec un malaise évident.

« Il ne faut pas prendre cet homme pour un échantillon des planteurs du Sud, dit le dernier.

— J’espère que non, répliqua le jeune homme avec emphase.

— C’est un misérable, brutal, grossier, ignoble !

— Cependant vos lois lui permettent de tenir un nombre indéfini d’êtres humains courbés sous sa volonté absolue, sans l’ombre de protection ; et, tout ignoble qu’il est, vous ne pouvez nier qu’il n’est pas le seul de son espèce.

— Il se rencontre aussi parmi les planteurs des hommes humains et modérés.

— Je l’accorde ; mais, selon moi, vous autres, hommes humains et modérés, vous êtes responsables de toutes les brutalités, de tout le mal que font ces misérables. Sans votre sanction et votre influence, le système ne tiendrait pas une heure. S’il n’y avait de planteurs que les pareils de cet homme, dit-il, en désignant du doigt Legris, qui leur tournait le dos, la chose croulerait d’elle-même. C’est votre considération, c’est votre humanité qui autorisent et protègent sa barbarie.

— Vous avez, en tout cas, une haute opinion de mon bon naturel, dit le planteur en souriant ; mais je vous conseille de ne pas parler si haut, car il se trouve à bord des gens qui ne seraient pas tout à fait aussi tolérants que moi. Vous ferez mieux d’attendre notre arrivée à ma plantation ; là, vous pourrez nous injurier tous, à votre bon plaisir. »

Le jeune homme rougit et sourit ; tous deux se mirent à faire une partie de trictrac. Pendant ce temps, une autre conversation avait lieu à l’extrémité opposée du bateau, entre Emmeline et la mulâtresse enchaînée avec elle. Elles échangeaient naturellement quelques détails de leur histoire.