Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/489

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D’où venait-elle ? qui était-elle ? Tom l’ignorait. Il la voyait pour la première fois, marchant à ses côtés, droite et altière, à la lueur grisâtre du crépuscule. Le reste de la bande la connaissait cependant, car plusieurs se retournaient et la regardaient, et parmi les misérables créatures en haillons, à demi affamés, qui l’entouraient, il y avait une sorte de triomphe, à demi comprimé, à demi apparent.

« L’y voilà venue à la fin ! — J’en suis contente ! dit l’une d’elles.

— Hi, hi, hi, reprit une autre. Vous en tâterez aussi la madame. Vous saurez le bien que ça fait.

— Nous allons la voir à la besogne !

— Je m’étonne si elle sera battue ce soir, comme nous autres !

— Je serais bien aise de la voir couchée à terre pour être fouettée ; oui, ma foi ! j’en serais aise ! »

La femme ne prenait pas garde à ces invectives, et continuait à marcher avec son air altier et méprisant, comme si elle n’eût rien entendu. Tom, qui avait toujours vécu parmi des gens distingués, sentait d’instinct, à son port, à son air, qu’elle appartenait à une classe supérieure ; mais pourquoi, comment était-elle tombée dans cet état de dégradation ? C’est ce qu’il ne pouvait dire. Elle ne le regardait, ni ne lui parlait, quoique cheminant à ses côtés, pendant tout le trajet de l’habitation aux champs.

Tom fut bientôt absorbé dans son travail ; mais la femme se trouvant à peu de distance de lui, il jetait de temps en temps un regard vers elle. Il vit d’un coup d’œil qu’une adresse native lui rendait la tâche plus facile qu’aux autres. Elle cueillait le coton très-vite et très-proprement, d’un air de dédain, comme si elle eût méprisé ce genre d’ouvrage et l’humiliation qui lui était imposée.

Dans le courant du jour Tom travailla auprès de la mulâtresse