Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/517

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de ces cheveux, jusqu’à ce qu’une sueur froide lui inondât la face, et qu’il s’enfuit de son lit en proie à l’épouvante.

Vous qui vous êtes étonnés de lire dans le même Évangile : « Dieu est amour, et Dieu est un feu dévorant ; » ne comprenez-vous pas que, pour l’âme vouée au mal, l’amour est la plus cruelle torture, l’arrêt et le sceau du plus horrible désespoir !

« Malédiction ! se disait Legris en buvant son punch ; où diable a-t-il déniché cela ? — C’est que c’était tout juste pareil… Ouf ! — je croyais l’avoir oublié. Mais le diable m’emporte si l’on oublie rien, quoi qu’on fasse ! Peste soit de la mémoire et de ses tours ! Je suis seul comme un hibou ! Je vais appeler Em. Elle me hait, — la macaque ! C’est égal, — il faudra bien qu’elle vienne ! »

Legris sortit dans un grand vestibule qui communiquait avec l’étage supérieur par un escalier tournant, autrefois splendide. Le palier était sale, délabré, encombré de caisses et de toutes sortes d’ignobles rebuts. Les marches montaient et tournoyaient dans l’obscurité, conduisant on ne savait où. La pâle lueur de la lune filtrait par un judas brisé au-dessus de la porte : l’air était malsain et glacial comme celui d’une cave.

Legris s’arrêta au pied de l’escalier, et entendit une voix qui chantait. Elle résonnait d’une façon étrange et surnaturelle dans la déserte et sombre demeure. Peut-être aussi ses nerfs surexcités lui prêtaient-ils un accent lugubre. Écoutez !

Une voix, inculte et mélancolique, chante un hymne familier aux esclaves :

« On versera des pleurs, des pleurs, des pleurs, des pleurs,
Au tribunal du Christ, on versera des pleurs ! »

« Maudit soit la fille ! s’écria Legris. Je l’étranglerai. — Em ! Em ! » appela-t-il d’un ton dur ; mais l’écho