Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/538

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réguliers des champs. Alors recommenceront les labours successifs, les fatigues accumulées sur les fatigues ; les avanies de toutes les heures, aggravées par ce que peut inventer l’inimitié d’un esprit bas et pervers. Même dans l’aisance et la liberté, on sait ce qu’en dépit des adoucissements qui l’accompagnent la souffrance physique entraîne d’irritabilité. Tom cessa de s’étonner de l’humeur hargneuse et sombre de ses compagnons d’infortune : hélas ! ce caractère placide, heureux, habitude de sa vie entière, cédait presque aux incessantes attaques des mêmes fléaux. Il s’était promis quelque peu de loisir pour lire sa Bible ; mais là, il n’y avait pas de loisir. Au fort de la saison, plus de dimanches, ni arrêt, ni repos : Legris poussait toutes ses mains sans relâche. — Et pourquoi pas ? Il faisait ainsi plus de coton et gagnait son pari. S’il usait quelques nègres de surplus ? eh bien ! il en rachèterait de meilleurs. D’abord Tom, au retour du travail, chaque soir, avait coutume de lire un ou deux versets, à l’éclat vacillant de la flamme. Mais après le cruel traitement qu’il avait subi, il revenait si épuisé, si endolori, que la tête lui tournait, ses yeux faiblissaient quand il s’efforçait de lire, et il se voyait contraint de s’étendre, avec les autres, dans le dernier état d’épuisement.

Faut-il s’étonner qu’au sein de si profondes ténèbres, la sérénité religieuse, la foi qui l’avaient jusque-là vigoureusement soutenu, fussent ébranlées ? Le plus terrible problème de notre mystérieuse vie se présentait constamment devant lui : — des âmes écrasées, ruinées, le triomphe du mal, — et Dieu muet. Les semaines, les mois s’écoulèrent ; Tom luttait, l’âme abattue et sombre. Il songeait à la lettre écrite à ses amis du Kentucky par miss Ophélia, et priait Dieu avec ardeur de lui envoyer la délivrance ; puis, jour par jour, il veillait, dans une espérance vague de voir arriver quelqu’un envoyé pour le racheter. Personne ne venait, et il eût voulu arracher