Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/570

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Ce ne fut qu’un instant ; une hésitation de quelques secondes. — Le ressort se détendait ; — mais l’esprit du mal revint sept fois plus terrible, sept fois plus furieux ; Legris, écumant de rage, terrassa sa victime et la foula aux pieds.

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Les scènes de meurtre et de supplice sont horribles à voir, et l’oreille n’en supporte pas le récit. Ce que l’homme a la force de faire, il n’a pas toujours celle de l’entendre raconter. Ce qu’il faut que notre prochain, frère par le sang, frère par la religion, endure, ne peut nous être dit, même seul à seul, dans le secret de notre intérieur ; car ce récit serait une angoisse ! Et cependant, ô mon pays, ces actes se font à l’ombre de tes lois ! Ô Christ, ton Église les voit et ne réclame pas !

Mais aux temps jadis est né celui dont les souffrances ont transformé l’instrument de supplice, d’abjection et de honte en un symbole de gloire, d’honneur et d’immortalité. Quand son divin esprit est là, l’avilissante verge, l’insulte dégradante, les sanglantes atteintes, rehaussent encore les sublimes et dernières luttes du chrétien.

Était-elle seule, l’âme héroïque et tendre, durant la longue, longue nuit, sous ce vieux hangar où il supporta les coups multipliés, les horribles tortures ?

Non ; près du martyr, vu seulement par ses yeux, « semblable à un fils de Dieu[1], » se tenait Celui qui a souffert.

Le tentateur était là aussi, — aveuglé par une volonté despotique et furieuse ; — il pressait Tom, de moment en moment, d’échapper à cette agonie, et de livrer l’innocence ; mais le loyal, le noble cœur demeura ferme, attaché au roc éternel. Comme son Rédempteur, il savait que pour sauver les autres il fallait se sacrifier lui-même,

  1. Daniel, ch. III, verset 25