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CHAPITRE V.

entendu un trafiquant d’esclaves vous faire des offres pour son Henri ? Quelle absurdité !

— Vrai !… elle l’a entendu ? reprit M. Shelby toujours absorbé dans ses lettres, bien qu’il les tint sens dessus dessous. — Puisqu’il en faudra venir là, se disait-il à lui-même, mieux vaut en finir tout de suite.

— J’ai dit à Éliza, pour sa peine, continua madame Shelby brossant toujours ses cheveux, qu’elle n’était qu’une petite folle, et que vous n’aviez rien à démêler avec gens de cette sorte. Certes, je sais assez que de la vie vous ne songeriez à vendre un des nôtres, et surtout à pareille espèce !

— Fort bien, Émilie, j’ai parlé, j’ai pensé comme vous. Mais le fait est que mes embarras en sont venus au point qu’il n’y a plus à reculer. Il me faut vendre quelques-unes de mes mains.

— À cet homme ! Impossible. Vous ne parlez pas sérieusement, monsieur Shelby.

— J’ai regret de dire que si ; c’est chose convenue pour Tom.

— Quoi ! notre Tom ! cette bonne et fidèle créature ! votre zélé serviteur dès votre première enfance ! Oh ! monsieur Shelby ! — mais vous lui aviez promis sa liberté ? mais vous et moi lui en avons parlé cent fois ! — Ah ! je puis tout croire après cela ! Je puis vous croire capable à présent de vendre même le petit Henri, l’unique enfant de cette pauvre Éliza ! s’écria madame Shelby d’un ton douloureux et indigné.

— Eh bien, s’il faut vous le dire, c’est chose faite. J’ai consenti à vendre les deux : Tom et Henri. Mais je ne sais trop pourquoi l’on me traiterait de monstre, pour avoir fait une fois ce que chacun fait tous les jours de sa vie !

— Et ceux-là encore ! se récria de nouveau madame Shelby ; pourquoi les choisir entre tous ?

— Parce que l’on m’en offrait davantage, voilà le