Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/88

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de nuit accordées à votre fuite, — oh ! que vos pas seraient rapides ! que de chemin vous feriez, dans ce peu de temps, votre trésor serré à votre sein, sa tête bouclée endormie sur votre épaule, ses petits bras jetés autour de votre cou !

Car l’enfant dormait ; d’abord la surprise et la peur le tinrent éveillé ; mais sa mère réprimait si vite le plus léger soupir, le plus faible son ; elle affirmait si fort qu’elle le sauverait, qu’il se cramponna paisiblement à son cou, et demanda seulement, comme le sommeil l’accablait :

« Maman, faut-il rester éveillé, dis ?

— Non, mon amour ! dors si tu veux.

— Mais, si je dors, maman, tu ne le laisseras pas me prendre ?

— Non ! que Dieu me vienne en aide ! répondit la mère pâlissante, un feu sauvage jaillissant de ses yeux.

— Vrai, maman ! bien vrai ?

Très-sûr, mon enfant, » dit la mère d’une voix qui la fit tressaillir elle-même, car il lui semblait qu’un esprit hors d’elle avait parlé en elle, et le petit garçon, laissant tomber sa tête sur l’épaule de sa mère, fut bientôt profondément endormi. La pression de ces petits bras chauds, les caresses de cette fraîche haleine, ajoutaient un feu à sa flamme, une ardeur à son ardeur. Chaque imperceptible mouvement, chaque léger contact de l’enfant versait en elle, par courants électriques, une force surhumaine. L’empire de l’âme sur le corps est tel que pour un temps il rend les muscles inflexibles, les nerfs d’acier, et pénètre le plus faible d’une invincible énergie.

Les bornes de la ferme, les bosquets, le taillis, fuyaient comme dans un rêve, et elle marchait toujours, sans arrêt, sans relâche, voyant disparaître l’un après l’autre tous les objets familiers ; enfin, l’aube rougissante la trouva sur la grande route, ayant dépassé de plusieurs lieues tout ce qui lui était connu.