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Page:Bergson - L’Évolution créatrice.djvu/177

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L’INTELLIGENCE ET L’INSTINCT

ponde ses œufs. Elle saute alors sur l’œuf, qui va lui servir de support dans le miel, dévore l’œuf en quelques jours, et, installée sur la coquille, subit sa première métamorphose. Organisée maintenant pour flotter sur le miel, elle consomme cette provision de nourriture et devient nymphe, puis insecte parfait. Tout se passe comme si la larve du Sitaris, dès son éclosion, savait que l’Anthophore mâle sortira de la galerie d’abord, que le vol nuptial lui fournira le moyen de se transporter sur la femelle, que celle-ci la conduira dans un magasin de miel capable de l’alimenter quand elle se sera transformée, que, jusqu’à cette transformation, elle aura dévoré peu à peu l’œuf de l’Anthophore, de manière à se nourrir, à se soutenir à la surface du miel, et aussi à supprimer le rival qui serait sorti de l’œuf. Et tout se passe également comme si le Sitaris lui-même savait que sa larve saura toutes ces choses. La connaissance, si connaissance il y a, n’est qu’implicite. Elle s’extériorise en démarches précises au lieu de s’intérioriser en conscience. Il n’en est pas moins vrai que la conduite de l’Insecte dessine la représentation de choses déterminées, existant ou se produisant en des points précis de l’espace et du temps, que l’Insecte connaît sans les avoir apprises.

Maintenant, si nous envisageons du même point de vue l’intelligence, nous trouvons qu’elle aussi connaît certaines choses sans les avoir apprises. Mais ce sont des connaissances d’un ordre bien différent. Nous ne voudrions pas ranimer ici la vieille querelle des philosophes au sujet de l’innéité. Bornons-nous donc à enregistrer le point sur lequel tout le monde est d’accord, à savoir que le petit enfant comprend immédiatement des choses que l’animal ne comprendra jamais, et qu’en ce sens l’intelligence, comme l’instinct, est une fonction héréditaire,