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Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/128

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remment ; quand il regarde dans la boîte, avec ses deux yeux ouverts, il voit les deux points, celui de droite et celui de gauche ; il voit donc avec les deux yeux.

Pour expliquer ce fait d’observation, qui, si étrange qu’il paraisse, est cependant tout à fait exact, quelques auteurs ont eu recours à une hypothèse anatomique. Ils ont supposé qu’il existe dans l’écorce cérébrale des centres visuels de deux sortes ; il y en a deux qui sont monoculaires, c’est-à-dire qui sont en rapport avec la vision par un seul œil ; et il y en a un troisième qui est binoculaire, c’est-à-dire qui est spécial à la vision simultanée et combinée des deux yeux. On a admis que chez les hystériques qui ne perçoivent pas exactement les couleurs avec un seul œil, le centre monoculaire d’un œil ou de chacun des deux yeux est atteint ; mais, si le malade emploie les deux yeux, un autre centre de vision, le centre binoculaire, entre en action ; et comme ce centre-là n’est pas altéré, la perception des couleurs se fait exactement.

Il est inutile de discuter longuement une hypothèse anatomique, qui est en contradiction avec tout ce qu’on sait sur l’anesthésie hystérique du tégument ; l’anesthésie de la rétine, qui n’est en somme qu’une partie du tégument devenue sensible à la lumière, ne peut pas se produire par un autre mécanisme que l’anesthésie du reste du corps. D’ailleurs, quelques expériences directes ruinent complètement la prétendue distinction des centres monoculaires et binoculaires. En voici deux, qui suffiront. Si on place devant l’œil le plus anesthésique d’une hystérique (l’autre œil étant fermé), une échelle de caractères typographiques, à une distance où cet œil ne peut plus les lire, il suffit souvent de mettre un crayon dans la main du sujet pour que cette main écrive, à l’insu du sujet, certains mots de l’échelle. L’emploi de l’écriture automatique montre donc que quoique réduit à son prétendu centre monoculaire le sujet continue à percevoir les lettres ; l’ouverture de l’autre œil ne fait que rendre cette perception consciente.

Autre exemple. On a donné par suggestion une cécité mo-