Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/263

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observateurs, qui sont arrivés, quelques-uns même d’une manière indépendante, à admettre la théorie du point de repère, que j’ai formulée le premier[1]. Cette théorie se résume ainsi : l’hypnotique s’arrange pour associer l’image hallucinatoire à une sensation d’un objet réel, existant dans le monde extérieur ; les instruments d’optique, en modifiant cette sensation réelle, donnent au sujet l’idée d’une modification correspondante dans l’hallucination ; si le sujet reçoit à un certain moment deux sensations au lieu d’une, il étendra ce phénomène de dédoublement à l’hallucination elle-même, et il percevra deux objets imaginaires. Parmi les expériences qui semblent démontrer l’exactitude de l’interprétation précédente, j’en rappellerai une, bien des fois citée par les auteurs ; on montre à une personne en somnambulisme un portrait imaginaire sur une carte en apparence toute blanche, et on confond ensuite cette carte avec plusieurs autres, après l’avoir marquée d’un signe pour qu’on puisse la retrouver à coup sûr ; le sujet retrouve très souvent le portrait sur la même carte qu’on lui a montrée, et il peut même très souvent aussi replacer la carte dans la même position ; on doit en conclure qu’il reconnaît sans doute le papier de la carte à quelque signe particulier. Ce signe lui sert de point de repère.

Réduit à ces proportions, le phénomène que nous étudions devient assez banal, et récemment, on a pu soutenir qu’une hallucination à point de repère extérieur ne peut rien prouver contre la simulation ; si le sujet a en effet la perception d’un point de repère qu’il voit se modifier régulièrement quand on place devant ses yeux des instruments d’optique, il peut, alors même qu’il n’est pas halluciné, décrire des modifications correspondantes dans l’objet imaginaire qu’il prétend voir. Mais je trouve que le raisonnement précédent n’a qu’une apparence de rigueur, et les expériences d’optique hallucinatoire me paraissent

  1. Revue philosophique, mai 1884. — Voir Bernheim, De la Suggestion, p. 108 ; Lombroso et Ottolenghi, Pierre Janet, op. cit., p. 154 ; Seppili, Revista di Freniatria, 1890.