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plices du crime ni protecteurs du coupable, sans quoi on aurait eu peut-être plus d’égards pour un ministre public. »

Le cardinal de Richelieu, devenu, en 1624, le ministre tout -  puissant de Louis XIII, n’épousa point les rancunes des anciens conseillers de la régente. François d’Aerssen, ayant été envoyé en France comme ambassadeur extraordinaire, y reçut, du cardinal, un très-bon accueil. La cour de France avait emprunté aux Provinces-Unies un certain nombre de vaisseaux pour combattre les huguenots. Or, cette assistance mécontentait, irritait, exaspérait les protestants hollandais. Le peuple d’Amsterdam avait même attaqué la maison de l’amiral qui commandait la flotte auxiliaire devant la Rochelle. Les états généraux furent enfin obligés de céder au vœu du peuple, qui demandait à grands cris le rappel de la flotte. D’Aerssen avait été chargé de démontrer à la cour de France les raisons puissantes qui devaient déterminer les états généraux à rappeler leur flotte. Mais il ne dit point que l’amiral avait déjà l’ordre d’appareiller ; il laissa croire que lui, ambassadeur, ignorait cet ordre. Le mécontentement fut porté au comble quand on apprit que l’un des capitaines hollandais avait jeté par mépris le drapeau français sur les côtes d’Angleterre. Louis XIII apostropha l’ambassadeur avec véhémence : « Les Hollandais le forçaient, s’écria-t-il, à conclure une paix honteuse avec ses sujets ; mais il n’oublierait jamais l’indignité d’un pareil procédé, et il en poursuivrait la punition jusqu’aux enfers. » Richelieu, quoique plus réservé, dit pourtant à François d’Aerssen qu’il ne croirait jamais que lui, ambassadeur, pût ignorer le rappel de la flotte. D’Aerssen protesta de son innocence et consentit à perdre l’estime et la confiance du cardinal, si l’on pouvait lui prouver qu’il n’eût pas dit la vérité. Cette discussion, après avoir encore donné lieu à des négociations très-désagréables, n’eut point de suite. D’Aerssen revint à la Haye, le 8 mai 1626, et, le lendemain, il présenta aux états généraux un journal détaillé de sa mission. Il aurait voulu entraîner Louis XIII dans la guerre contre la maison d’Autriche, ou du moins obtenir du ministère français une ligue défensive ; mais le cardinal de Richelieu subordonna l’assistance de la France à des conditions si dures que les états généraux les refusèrent.

Quoique François d’Aerssen conservât toujours une grande influence, sa carrière fut moins active depuis la mort de Maurice de Nassau et l’avénement de Fredéric-Henri au stathoudérat. Au mois de janvier 1641, il fut envoyé en Angleterre avec Jean Wolfard, seigneur de Bréderode, premier ambassadeur extraordinaire, et avec le seigneur de Heenvliet, troisième. Ils étaient chargés de demander la main de la princesse Marie, fille de Charles Ier, pour Guillaume, fils du stathouder Frédéric-Henri. Déjà, à la fin de l’année précédente (1640), il avait été désigné par la noblesse de Hollande pour la représenter aux états généraux. Cependant il approchait du terme de sa longue et laborieuse carrière. Il mourut à la Haye, le 27 décembre 1641, à l’âge de 69 ans. « Il laissait de grands biens, disent les mémoires de du Maurier, étant mort riche de cent mille livres de rente : ce qu’on n’avait jamais vu dans ce pays-là. » Il laissait aussi quatre enfants de son mariage avec Pétronille van Borre. Pieux et reconnaissants, ils élevèrent, dans l’église de Sommelsdyck, un magnifique tombeau à la mémoire de leurs parents. — Des jugements bien divers ont été portés sur François d’Aerssen ; mais on a été unanime pour reconnaître en lui un homme éminent par l’intelligence. « Esprit capable et hardi, disait un de ses plus implacables antagonistes, et d’autant plus à craindre qu’il cachait toute la malice et toute la fourbe des cours étrangères sous la fausse et trompeuse apparence de la franchise et de la simplicité hollandaise. » Aux yeux de quelques publicistes modernes, François d’Aerssen, disculpé des accusations dirigées contre lui par l’esprit de parti, est un grand patriote et l’un des plus grands politiques de l’ancienne république des Provinces-Unies. Nous aimons mieux nous référer au jugement très-sensé et très-spirituel de Grotius : Somelsdikius