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parcelles de ce sable ensanglanté, et l’une d’elles, l’huissier De Groodt père, montre avec fierté le petit crucifix que son glorieux ancêtre tint entre les mains en allant à la mort.

À sept heures du soir, le bourreau vint enlever de l’échafaud le corps d’Anneessens et le plaça dans un cercueil, avec l’aide de son valet et de quelques religieux alexiens. Ceux-ci allaient l’emporter pour l’ensevelir, lorsqu’un groupe de jeunes gens se précipita sur eux, leur enleva le cercueil et le porta à l’église de Notre-Dame du Sablon, dont Anneessens avait été l’un des receveurs en qualité de dignitaire du grand serment de l’Arbalète. Mais ce temple étant resté fermé, le funèbre cortége se dirigea vers l’église de Notre-Dame de la Chapelle, dont la porte s’ouvrit pour lui donner passage. Le cercueil fut déposé dans le chœur, où le curé Van Limborch entonna les prières des morts, puis on descendit le corps du doyen dans une fosse creusée à la hâte derrière la chaire et que l’on se dépêcha de fermer par une maçonnerie.

Le lendemain, on célébra un service funèbre pour Anneessens, non-seulement à la Chapelle, mais encore à l’église de Saint-Géry, envers laquelle Anneessens s’était conduit comme un véritable bienfaiteur ; à Sainte-Catherine, dont le curé se glorifiait d’être son ami, et à l’hôpital Saint-Jean, où il avait été maître de la fabrique de l’église. On se disposait à en faire autant dans les autres paroisses, lorsque le marquis, exaspéré des honneurs que le clergé et la population presque entière rendaient à celui qu’il voulait faire considérer comme un misérable, intervint par des ordres sévères et fit également intervenir l’archevêque de Malines. Il aurait voulu faire poursuivre les auteurs de ces démonstrations et exhumer le corps d’Anneessens, mais le conseil d’État parvint à le détourner d’accomplir sa vengeance, en lui remontrant l’exaspération que cet éclat odieux inspirerait au peuple, et l’Empereur, mieux conseillé, enjoignit de laisser en repos le cadavre et les amis du doyen.

On a prétendu que le curé Van Limborch, voulant prévenir toute tentative d’exhumation, fit secrètement transporter le corps d’Anneessens dans le chœur de son église, qui dépendait de l’abbaye du Saint-Sépulcre de Cambrai, et échappait entièrement à la juridiction de l’archevêque de Malines. Suivant une autre version, on ouvrit le cercueil d’Anneessens lorsque Joseph II publia l’édit qui défendit les enterrements à l’intérieur des villes. Le corps du doyen fut trouvé, dit-on, dans un état de conservation parfaite ; la tête était encore reconnaissable et placée à côté du tronc. On le transporta alors, avec le plus grand secret, dans le chœur de la Vierge, où il est resté depuis lors. Le lieu de la sépulture, ajoute Verhulst, à qui j’emprunte ces détails, est indiqué par une simple pierre sans inscription et n’est connu que par un petit nombre de personnes.

En l’année 1727, les enfants du doyen s’adressèrent à l’archiduchesse Marie-Élisabeth, gouvernante générale des Pays-Bas, pour obtenir mainlevée du peu de biens de leur père qui avaient été confisqués. Ils firent valoir en leur faveur cette puissante considération que l’empereur Charles VI, en confiant le soin de nos provinces à l’archiduchesse, avait accordé une amnistie générale et illimitée à toutes les personnes impliquées dans les troubles. En cette occasion, le vieux Charliers, chargé par le conseil de Brabant de minuter un avis sur la requête de la famille d’Anneessens, prouva une fois de plus la dureté de son âme, dureté qui lui avait jadis mérité les éloges de son digne maître, le marquis de Prié.

Il y rappelle d’abord « l’énormité des crimes » dont le doyen a été « convaincu » et il ajoute que les suppliants n’ont aucun droit aux effets d’Anneessens, « qui ont appartenu à l’Empereur du moment que la sentence a été rendue ». Ainsi, dit-il en terminant, « ce seroit les récompenser pour les défits de leur père que de leur accorder leur demande, chose jusqu’à présent inouïe et de la dernière conséquence en matière de crime d’État et de lèse-majesté, et cela encore en faveur d’enfants qui, par les termes choquants dont ils osent