Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ficiels constatèrent toutefois qu’il avait fait tout ce que la prudence pouvait suggérer pour opérer sa retraite avec le moins de désavantage possible. A la terrible bataille de Torgau (3 novembre 1760), qui commença si bien et finit si mal pour l’armée autrichienne, il déploya une bravoure héroïque et prit des dispositions au-dessus de tout éloge : ce sont les propres termes de la relation qui fut publiée à Vienne. Dans cette sanglante affaire, il dut la vie à sa toison d’or : une balle le frappa à la poitrine ; elle lui aurait passé au travers du corps, si sa toison d’or, qui pendait de ce côté, n’eût fait bouclier à la côte. La meurtrissure qu’il reçut fut cependant assez grave pour l’obliger à quitter l’armée.

Soit qu’il ne se fût pas entièrement rétabli de sa blessure, soit pour toute autre raison, il ne fut pas employé dans la campagne de 1761 : c’est vainement, du moins, que nous avons cherché son nom entre ceux des généraux dont parlent les gazettes du temps comme y ayant pris part. En 1762, les hostilités en Allemagne se ralentirent, et des négociations de paix furent entamées entre les parties belligérantes ; ces négociations aboutirent aux préliminaires de Fontainebleau d’abord (5 novembre), et ensuite aux traités de Paris et de Hubertsbourg (10 et 15 février 1763), lesquels furent suivis de longues années de paix. Le duc d’Arenberg ne parut donc plus sur les champs de bataille. Marie-Thérèse, appréciant les services qu’il lui avait rendus, le revêtit des deux plus hautes dignités qu’il y eût dans l’ordre civil et dans l’ordre militaire de son Empire : celles de conseiller d’État intime actuel (10 janvier 1765) et de feld-maréchal (10 février 1766). Lorsqu’en 1754, il avait pris possession du grand bailliage de Hainaut, elle lui avait continué la faveur, qu’elle avait accordée à son père, de pouvoir nommer le magistrat de Mons.

Charles-Marie-Raymond d’Arenberg mourut en son château d’Enghien, le 17 août 1778, des suites de la petite vérole ; il n’avait que cinquante-sept ans. Marie-Thérèse, qui perdait en lui un serviteur dont le dévouement et le zèle étaient à toute épreuve, le regretta extrêmement[1]. Il avait épousé, le 18 juin 1748, Louise-Marguerite de la Marck, fille unique et seule héritière de Louis-Engelbert, dernier comte de la Marck, dont il eut six enfants.

Gachard.

ARENBERG (Louis-Engelbert, duc D’), d’Arschot et de Croy, fils de Charles-Marie-Raymond, naquit à Bruxelles le 3 août 1750. A l’exemple de ses aïeux, il embrassa de bonne heure la carrière des armes ; mais un événement funeste le força, lorsqu’il n’avait encore que vingt quatre ans, de l’abandonner : il était à la chasse, dans le parc d’Enghien, avec plusieurs de ses amis ; l’un d’eux, par mégarde, lui tira un coup de fusil qui le frappa au visage et lui fit perdre la vue. Sa cécité n’empêcha point Marie-Thérèse de lui conférer, après la mort de son père, la charge de grand bailli de Hainaut (15 avril 1779); seulement, pour prévenir toute surprise, elle voulut que les actes et pièces qui émaneraient de lui en cette qualité fussent contre-signés par un secrétaire ayant prêté serment entre les mains du chef et président du conseil privé : elle lui conserva, du reste, comme elle l’avait fait à ses deux prédécesseurs, le pouvoir de nommer le magistrat de Mons, qui formait l’une des plus belles prérogatives attachées au grand bailliage (11 juillet 1779). Joseph II, le 30 décembre 1782, le créa chevalier de la Toison d’or. Ce monarque avait, en matière d’administration publique, des principes rigoureux : il n’admettait pas qu’une charge aussi éminente que celle de grand bailli pût être exercée par quelqu’un qui était privé de la vue; il trouvait mauvais aussi que le grand bailli de Hainaut ne résidât point à Mons : au mois de décembre

  1. Le baron de Lederer, référendaire pour les affaires des Pays-Bas à la chancellerie de cour et d’État, à Vienne, écrivait, le 23 août 1778, au secrétaire d’État et de guerre Crumpipen, à Bruxelles : « Sa Majesté, aux pieds eo laquelle je me suis trouvé ce matin, a daigné me témoigner qu’elle étoit extrêmement affectée de la mort de M. le duc d’Arenberg, en ajoutant que ce qui la consoloit encore, c’étoit qu’elle venoit d’apprendre qu’il étoit mort en bon chrétien. » (Archives du royaume.)