Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/255

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instant ce que je dois à la patrie, quand tous les vrais amis de la liberté se réunissent pour assurer son bonheur. Pouvez-vous me croire capable de balancer entre mes propres intérêts comme membre des états et le grand intérêt du public, qui se demande aujourd’hui si les états ont une existence effective ? Non, messieurs, il ne peut être question entre vous et moi que d’un serment pour la conservation de priviléges que je respecte parce que leur utilité est évidente ; il ne peut être question que de la conservation du corps où vous m’admettez pour chef, et je ne pourrai prêter, pour cet objet, que le serment que je vous présente. » Par ce serment, il jurait de maintenir les priviléges et défendre les prérogatives, franchises et immunités du grand serment, ainsi que des autres serments de la ville, « pour le bonheur des habitants et de la patrie, la conservation de la liberté, la sécurité générale et individuelle et la félicité publique. » Quelques jours après, il réunit dans un banquet tous les chefs-doyens et doyens des serments et tous les officiers des compagnies de volontaires ; la table était de deux cent quarante couverts. A cette fête des toasts furent portés en l’honneur du parti démocratique et de ses chefs ; le duc lui-même proclama la suprématie de la nation sur les états. On peut juger si, par cette conduite, il s’était attiré l’animadversion des fanatiques partisans de Vander Noot : aussi, à la suite de la fameuse adresse où la société patriotique demandait que la nation fût consultée à l’égard de la forme de gouvernement à établir, se vit-il désigné à la colère du peuple, quoiqu’il n’eût point signé cette adresse[1]. Ce n’est pas ici le lieu de parler des pillages et des scènes de désordre dont Bruxelles fut le théâtre durant trois jours, les 16, 17 et 18 mars 1790 : le duc d’Arenberg, voyant avec douleur qu’une révolution faite pour rétablir le règne des lois et de la liberté aboutissait aux actes de violence les plus scandaleux, alla s’établir à son château d’Enghien dans le Hainaut. A dater de ce moment, il cessa de s’occuper des affaires publiques ; il ne revint même que rarement à Bruxelles, où ses démarches étaient surveillées. Quelque temps avant la restauration autrichienne, il partit pour l’Italie. Étant à Rome, il se réconcilia, par l’entremise du cardinal d’Herzan, avec l’empereur Léopold, qui lui fit offrir de lui rendre le grand bailliage de Hainaut ; il déclina cette offre, en alléguant les embarras que sa cécité lui causerait.

A la première entrée des Français en Belgique, sous le commandement de Dumouriez, les citoyens furent convoqués dans toutes les villes, pour se donner de nouveaux administrateurs : le 18 novembre 1792 eut lieu à Bruxelles, en l’église de Sainte-Gudule, une assemblée populaire qui procéda à l’élection de quatre-vingts représentants provisoires de cette ville ; le duc d’Arenberg était le vingtième et le duc d’Ursel le vingt quatrième sur la liste. Ce dernier siégea à l’hôtel de ville ; mais le duc d’Arenberg s’excusa, « sur sa situation et nommément sa cécité, » d’accepter les fonctions auxquelles il avait été appelé[2]. Après que les Français eurent, en 1794, occupé une seconde fois la Belgique, il se retira en Allemagne.

Le traité de Lunéville (9 février 1801), qui transféra à la république la souveraineté et propriété de tous les pays et domaines situés sur la rive gauche du Rhin, fit perdre au duc d’Arenberg, avec son duché, les comtés de Kerpen et de Kasselbourg, la seigneurie de Flöringen, la baronnie de Commern et la seigneurie de Harzeim, les seigneuries de Sassenbourg et de Schleyden dans l’Eyffel et quelques autres terres. Par le recez de la députation de l’Empire du 25 février 1803, et en exécution de l’article 7 du traité que nous venons de citer, il lui fut assigné, à titre d’indemnité, le comté de Recklinghausen, qui faisait partie de l’électorat

  1. Les Vandernootistes firent circuler cette horrible provocation :
    Vonck, d’Arenberg, d’Ursel, Walckiers, la Marck, Herries Godin,
    Sont de la Société patriotique les soutiens ;
    Et comme ils prétendent être du pays de la lumière, il faut, pour les contenter, les mettre au réverbère.
  2. Procès-verbaux des séances des représentants provisoires de Bruxelles, séance du 19 novembre 1792.