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influents, Van Baersdorp ne parvenait pas toujours à déjouer les intrigues de ses ennemis ni à dominer les caprices de son illustre patient, dont la résistance aux prescriptions de la science médicale était désespérante. Il partageait du reste ces désagréments avec Vésale, qui n’était pas plus ménagé et dont le talent éminent offusquait les médiocrités médicales de la cour.

Van Baersdorp, qui entretenait avec le seigneur de Praet une correspondance active, jouissait heureusement d’une grande estime auprès des autres membres de la famille impériale ; aussi devint-il le médecin en titre des reines Éléonore et Marie, sœurs de Charles-Quint. Toutefois, un revirement favorable eut lieu dans l’opinion de Charles-Quint, à la fin de sa vie, sur le compte de son premier médecin : le diplôme dont nous avons parlé, en est la preuve. Cette pièce intéressante, dont le texte est fort long, porte la date du 2 mai 1556[1]. Après avoir rendu hommage à l’origine nobiliaire, aux talents et au mérite de Corneille van Baersdorp et de son frère Guillaume[2], l’empereur s’y plaît à reconnaître qu’il l’a appelé à l’honneur d’être son médecin, lors de sa première venue d’Espagne aux Bays-Bas ; qu’il le suivit dans toutes ses guerres, nommément dans son expédition contre les Français, près de la ville de Landrecies, en 1543, et ensuite dans ses voyages sur terre et sur mer ; qu’il consacra ses soins et ses veilles à sa santé et que seul, négligeant son propre repos, il ne le quitta jamais au milieu de ses infirmités incurables. Il déclare qu’après Dieu, c’est lui qui lui sauva maintes fois la vie. Pour le récompenser, ainsi que les membres de sa famille, des services rendus, l’Empereur confirme leurs titres de noblesse et leurs armoiries, pour eux et leurs descendants ; il accorde en outre le titre de comte palatin à Corneille, ainsi que le pouvoir de créer des notaires, des tabellions et des juges ordinaires aptes à instrumenter dans toute l’étendue de l’Empire. Il lui donne en plus le droit de légitimer les enfants bâtards, naturels et illégitimes avec toutes les prérogatives qui découlent de cette faculté, de réhabiliter les infâmes, d’émanciper les enfants légitimes ou adoptifs, etc., d’élever, chaque année au grade de licencié trois personnes, tant en médecine qu’en droit et autant de poëtes lauréats, bien entendu après un examen sérieux préalable, selon les formalités prescrites dans les universités. Il lui confère, enfin, de même qu’à son frère, la dignité de conseiller, pour être constamment attachés à sa personne et les nomme citoyens de toutes les villes et cités de l’Empire. Il finit en les prenant, eux et leur famille, sous sa protection toute particulière.

Ces faveurs extraordinaires paraîtraient presque incroyables, si nous n’avions sous les yeux la charte originale, signée Carolus et Granvelle, qui les octroie e£ dont l’authenticité est irrécusable.

Van Baersdorp, secondé par Guillaume van Male, avait fait une guerre acharnée aux charlatans et aux médicastres étrangers auxquels l’Empereur avait souvent recours pour soulager ses cruelles souffrances. Ce fut longtemps la cause des basses intrigues qui minaient sourdement sa réputation. On peut dire qu’il ne conquit le titre de premier médecin de l’Empire ou d’archiatre, qu’après un combat obstiné contre ses adversaires. Un trait de sa vie dépeint la loyauté de son caractère. Sylvius, professeur d’anatomie à Paris, devenu l’ennemi de Vésale, voulut entraîner Van Baersdorp dans les odieuses machinations qu’il avait ourdies contre ce praticien célèbre, afin de le perdre dans l’opinion publique. Pour le gagner à sa cause, Sylvius lui fit cadeau d’un squelette d’enfant, objet très-précieux à cette époque, à condition de travailler à faire passer Vésale comme un homme dangereux. Van Baersdorp, pour son honneur et sa réputation, ne voulut point tremper dans ce méchant complot.

Après la mort de l’Empereur, Van Baersdorp, qui s’était sacrifié à son maître en parcourant l’Europe à sa suite, continua à jouir de la considération

  1. Elle fait partie de la collection de feu M. Goetghebuer, à Gand.
  2. Membre des conseils de Hollande et de Zélande.