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dit : Militaveram in schola omnium virtutum[1].

Adalbéron était grand chancelier du roi Lothaire. Ses ennemis l’accusèrent d’infidélité envers ce prince ; mais la calomnie n’eut aucune suite. Ce qui donna lieu à l’accusation, ce fut l’attachement qu’Adalbéron professait envers les impératrices Adélaïde et Théophanie et envers Othon III, roi de Germanie, alors en désaccord avec Lothaire au sujet de la Lorraine. Dans une de ses lettres à Lothaire, il se justifie sans peine de cette accusation ; dans d’autres on trouve la preuve des soins qu’il employa pour pacifier l’empire et le royaume des Francs, et de sa constante fidélité envers ce prince. En annonçant sa mort à Ecbert, archevêque de Trèves, il le qualifie de Francorum clarissimum sidus[2].

Après Louis V, fils et successeur de Lothaire, le sceptre passa à Hugues Capet, qui se fit sacrer, à Reims, par Adalbéron, le 3 juillet 987. Ce monarque donna au prélat une grande part dans sa confiance et le maintint dans la dignité de chancelier. Au contraire, le prince Charles, frère de Lothaire, fut indigné à cause de ce sacre et en fit des reproches à Adalbéron, comme si lui seul, de son autorité privée, eût élevé Hugues à la royauté. L’archevêque se justifia en montrant que ce sacre avait été plutôt l’ouvrage de l’État tout entier que le sien[3].

Obligé d’accompagner Hugues au siége de Laon, où Charles était enfermé, Adalbéron tomba malade, Il se fit transporter à Reims et il y mourut le 23 janvier 988[4], après avoir gouverné cette église pendant dix-neuf ans et en laissant à la postérité un parfait modèle de toutes les vertus épiscopales. Il fut enterré dans la métropole, sous l’autel de la Sainte-Croix, où l’on voyait autrefois l’épitaphe suivante, gravée sur une plaque de cuivre :


Contulerat natura parens, quæ summa pulavit
Ad meriti cumulum, tibi, prœsul Adalbero, quum te,
Prœstantem cunctis mortalibus abstulit orbi
Quinta dies fundentis aquas cum pondere rerum
[5].

Adalbéron fut regretté au point que le clergé et le peuple croyaient avoir tout perdu en perdant leur pasteur. Il était d’une telle autorité et jouissait d’un tel crédit dans les affaires publiques, qu’à sa mort on aurait cru, comme s’exprime Gerbert, que le monde allait retomber dans le chaos[6]. Parmi les anciens écrivains, on n’en trouve qu’un seul, l’auteur d’une petite addition à la chronique de Flodoard[7], qui ait parlé désavantageusement de lui, en disant qu’il n’était archevêque que de nom : Adalbero nomine non merito archiepiscopus. C’est un trait de mauvaise humeur de cet écrivain inconnu, parce que le prélat avait fait abattre un portique voûté qui était à l’entrée de la métropole et sous lequel il y avait une chapelle dédiée au Sauveur et une fontaine d’un travail fort estimé.

Il nous reste à donner la liste des écrits d’Adalbéron.

1o Plus de quarante épîtres se trouvent dans le recueil des lettres de Gerbert, qui lui servit pendant quelque temps de secrétaire et qui cite d’autres lettres, du même prélat, aujourd’hui perdues. La plupart de celles qui nous sont parvenues sont adressées à des personnes de haute distinction. On croit y remarquer le style serré et sententieux de Gerbert ; mais toutes ne sont pas sorties de sa plume, car il était absent lorsque Adalbéron écrivit à l’impératrice Théophanie, veuve d’Othon II, pour la prier de donner un évêché à Gerbert, qu’il nomme son vrai

  1. Part. 2, epist. 18.
  2. Gerb., Epist. 74.
  3. Quis eram, ut solus regem imponerem Francis ? Publica sunt hœc negotia non privata. Inter Gerberti epist. 122.
  4. C’est ce que porte la chronique de Mouzon. D’autres placent sa mort au 5 janvier et se fondent sur son épitaphe.
  5. Cette expression équivoque de Quinta dies fundentis aquas peut signifier, comme le remarque Paquot, le cinquième jour à compter de l’entrée du soleil au verseau, ce qui revient au 23 ou 24 janvier.
  6. Id momentum ac ea vis erat domini mei Adalberonis in causis pendentibus ab æterno, ut, eo in rerum principia resoluto, in primordiale chaos putaretur mundus relabi. Inter Gerberti epist. 122.
  7. Du Chesne, Hist. Franc. Script., t. II, p. 623.