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ses yeux annonçaient combien sa foi était vive.

Quelque nécessaire que fût la présence d’Adélard en Italie, Charlemagne ne laissait pas de le rappeler quelquefois près de lui, pour se servir de ses lumières. Hincmar témoigne l’avoir vu dans sa jeunesse tenir auprès de l’Empereur le premier rang parmi ses conseillers, et il assure que de tous ceux qui composaient le conseil impérial, personne ne pouvait lui être comparé[1]. Le pieux abbé se trouvait à la cour de l’Empereur, en 809, lorsqu’on tint à Aix-la-Chapelle un concile, où fut agitée la question de savoir si l’on devait ajouter au symbole les mots filioque, afin d’exprimer plus clairement que le Saint Esprit procède du Fils comme du Père. L’Empereur députa Adélard à Rome, avec Bernhaire, évêque de Worms, Jessé, évêque d’Amiens, et Smaragde, abbé de Saint-Michel, pour consulter le pape sur cette question. Léon III leur répondit que, cette addition étant un sujet de discussion avec les Grecs, il serait plus sage de s’en abstenir pour le moment[2].

L’année suivante (810) Pepin, roi d’Italie, mourut à l’âge d’environ trente-quatre ans. Bernard, son fils, ne fut pourvu de ses États qu’au mois d’octobre 812. Depuis la mort de Pepin jusqu’à l’avénement de son fils, Adélard exerça, de concert avec son frère, le comte Wala, les fonctions de régent en Italie. Il conserva le rang de ministre auprès de Bernard, dont Wala, l’un des hommes les plus éminents de cette époque, avait été particulièrement chargé de diriger la jeunesse[3].

Ces deux illustres frères, qui avaient rendu des services signalés à l’État, ne tardèrent pas, après la mort de Charlemagne, à devenir l’objet et la victime de la jalousie de quelques courtisans. Le roi Bernard fut accusé auprès du nouvel empereur, Louis le Débonnaire, comme ayant formé des prétentions à la couronne impériale, ou au moins comme ayant l’intention de se déclarer indépendant de l’Empire. Mandé à la cour, en 814, il se purgea par serment des soupçons qu’on avait fait naître. Bernard trouva grâce auprès de l’Empereur, il se reconnut son vassal et retourna en Italie ; néanmoins, la calomnie continua à faire soupçonner les deux frères comme favorisant sourdement les prétentions du jeune roi. Sous l’empire de ces préventions, Louis le Débonnaire prononça la peine de l’exil contre Adélard, qui se retira dans l’île d’Her ou de Heria, en Aquitaine, au monastère de Saint-Philibert, appelé autrefois Hermoutiers et depuis Noirmoutiers. Le comte Wala fut contraint de se faire moine à Corbie. Leur frère Bernaire fut exilé à Lerins, et toute la famille enveloppée dans la même disgrâce[4].

Adélard adora avec soumission les décrets de Dieu, qui se servait de cette épreuve pour perfectionner la vertu de son serviteur. Uniquement occupé de sa sanctification, il ne pouvait manquer de goûter dans son exil une joie et une tranquillité d’âme inaltérables. Dans l’intervalle, le jeune Bernard, privé des deux conseillers qui lui avaient toujours inspiré, dans son administration, la fermeté et la prudence d’un vieux roi, conçut réellement les mauvaises intentions qu’on lui avait prêtées autrefois. Sa révolte, qui lui coûta le royaume et la vie (818), contribua peut-être à faire revenir l’Empereur de ses préventions contre Adélard : il reconnut enfin son innocence et le rappela à la cour vers la fin de l’année 821 ; il lui fit même une espèce de réparation de l’injustice qu’il avait commise à son égard, en accumulant sur sa tête de nouvelles faveurs et de nouveaux honneurs. Le serviteur de Dieu ne fut point ébloui du vain éclat des grandeurs humaines ; il en connaissait trop le vide : aussi fut-il toujours le même homme à la cour comme dans le cloître, dans l’adversité comme dans la prospérité. Le mépris

  1. Lib. Instit, regis, c. XII.
  2. Gallorum sententiam probavit Leo PP. III, non factum, ratus nefas quidquam citra Ecclesiœ ; universœ definitionem in fidei symbolum admittere. (Voyez Hartzheim, Conc. Germaniœ, t. I, p. 390.)
  3. La vie de Wala, écrite pur son ami, Paschase V, Radbert, se trouve dans Mabillon, op. cit., t. V, p. 458.
  4. Gundrade, leur sœur, fut reléguée à Poitiers, dans le monastère de Sainte-Croix, où elle mena une vie très-édifiante. Une autre sœur, nommée Théodrade, put rester dans le monastère de Soissons, où elle avait pris le voile.