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l’accompagna dans cette circonstance. Anselme conduisit donc la princesse à Édimbourg ; il remit en même temps au roi d’Écosse la relation de ses voyages, rédigée en latin par son fils Jacques et l’entretint aussi des renseignements politiques qu’il avait recueillis en Orient sur l’expédition projetée du duc de Bourgogne. Cette mission accomplie, Adornes reprit avec sa femme le chemin de la Flandre, laissant s’accomplir les destinées de Marie Stuart et de lord Boyd, comte d’Arran, dont nous n’avons plus à nous occuper. Peu de temps après, la mort de sa femme le laissa veuf avec six fils et six filles. Vers cette époque, une nouvelle négociation politique devait mettre son expérience à l’épreuve. Le projet d’une expédition ou croisade contre les musulmans pour laquelle Adornes avait été envoyé une première fois en Orient, n’avait pas été abandonné. C’était un des rêves de Philippe le Bon qui, dès l’année 1461, cherchait à se ménager secrètement l’appui du roi de Perse dans cette affaire. Ce projet, soutenu par le pape, devait faire de nouveaux progrès sous un prince aussi belliqueux que Charles le Téméraire. Aussi celui-ci résolut-il d’expédier, comme l’avait conseillé le pape Paul II, lors d’une première visite à Rome en 1472, à Ussum-Cassan, alors roi de Perse, un ambassadeur chargé de renouer les anciennes négociations. Il en confia la charge à Anselme Adornes qui, deux ans auparavant, avait exploré les différentes parties de l’Orient pour connaître à fond l’état des populations musulmanes. Il quitta Bruges en mars 1474 (n. s.), avec une suite nombreuse. Mais dans l’intervalle, des envoyés vénitiens l’avaient précédé dans cette négociation. Toutefois, n’ayant pu décider le roi Ussum à s’engager dans cette expédition, ces envoyés avaient quitté la Perse sans obtenir de résultat. En apprenant ce contretemps, Charles le Téméraire rappela Adornes, qui était déjà au fond de l’Allemagne. À son retour dans sa ville natale, Anselme fut nommé bourgmestre de Bruges, au milieu des circonstances les plus difficiles du règne orageux de Charles le Téméraire. Après la mort de ce prince, arrivée en 1477, sa fille, Marie de Bourgogne, appréciant les services éminents rendus par Adornes à sa famille, l’attacha à sa personne. Mais il était arrivé à l’époque de sa carrière où la fortune, jusqu’alors favorable, lui devint contraire.

Des troubles graves éclatèrent à Bruges. Les anciens magistrats, sous prétexte d’avoir mal géré les finances de la cité, furent jetes en prison et mis en accusation, comme dilapidateurs des deniers publics. Adornes partagea leur sort ; mais, pour lui, le véritable motif de son arrestation fut d’avoir joui des faveurs de Charles le Téméraire, dont les partisans étaient suspects au peuple. L’instruction de cette sombre affaire fit éclater son innocence. La justice populaire voulut bien l’absoudre, toutefois le jugement qui suivit le déclara inhabile à remplir aucune fonction publique à Bruges.

Nous perdons, pendant quelque temps, Anselme Adornes de vue, mais, à la mort de Marie de Bourgogne, en 1482, nous le retrouvons en Écosse. Il est probable que, dégoûté de la tournure qu’avaient prise les affaires de son pays, il se rendit dans ce royaume pour servir les intérêts de Jacques III, qui avait été un des premiers instruments de son élévation, et qui, ainsi que nous l’apprend l’histoire, était depuis longtemps le point de mire de menées révolutionnaires des grands personnages de ce pays, acharnés à sa perte. Le crédit dont Anselme Adornes jouissait auprès du roi devait lui être fatal. Il enflamma la haine d’un des ennemis secrets les plus implacables de Jacques III, d’Alexandre Gordon, comte de Huntley, alors justicier dans le nord de l’Écosse. Il attira Anselme Adornes dans un piége et l’assassina le 23 janvier 1483.

Ainsi périt, à l’âge de 59 ans, un des hommes les plus considérables qui aient été attachés aux ducs de Bourgogne : négociateur, savant, magistrat, Adornes est resté un des beaux noms de l’histoire de Bruges.

La relation de son voyage se trouve à