Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

paux membres des états que François d’Aerssen avait pris absolument congé du roi de France et que ce prince aurait pour très-agréable qu’ils lui donnassent un successeur. D’Aerssen, ayant eu vent de cette communication officieuse, « se laissa tellement transporter à la violence de sa passion, disent les mémoires déjà cités, qu’il voulut haranguer sur cela en pleine assemblée de ses maîtres, niant avoir pris congé de Leurs Majestés : prenant ouvertement à partie leurs principaux ministres, et mon père particulièrement, comme ayant parlé sans charge ni pouvoir. » Protégé par Maurice de Nassau, appuyé par d’autres personnages influents, D’Aerssen pouvait nourrir l’espoir de reprendre ses fonctions. Ce fut alors que Marie de Médicis écrivit officiellement aux états généraux pour leur faire connaître combien ce renvoi lui serait désagréable, et qu’elle enjoignit à du Maurier de s’y opposer de toutes ses forces. L’ambassadeur de France se rendit, le 13 novembre 1613, dans l’assemblée des états généraux, reprocha « audit D’Aerssen d’avoir osé parler irrévéremment de Leurs Majestés et de messieurs de leur conseil, qui étaient les plus fermes soutiens de la liberté des provinces confédérées ; » l’accusa « en présence de ses maîtres, d’audace, de légèreté en ses langages ordinaires, d’ingratitude, payant d’insolence tant de bienfaits dont la France l’avait comblé, et enfin d’avoir violé le droit des gens, ayant corrompu par argent de ses domestiques pour avoir le secret de l’ambassade. » L’ambassadeur prétendit que ce discours couvrit D’Aerssen de confusion. Quoi qu’il en fût, la démarche énergique de du Maurier empêcha réellement le renvoi D’Aerssen à la cour de France. Les états généraux lui donnèrent pour successeur le sieur de Langerak, de la maison des barons d’Aspre. « M. de Langerak, disent les mémoires de du Maurier, n’avait qu’une probité toute nue, sans aucune suffisance ni capacité, et M. D’Aerssen une grande intelligence accompagnée d’artifice et d’intérêt. » Ce dernier ressentit vivement sa disgrâce, et il l’attribua, non sans raisons peut-être, à Barnevelt. Un jour il laissa entendre ces paroles assez menaçantes : « L’autorité de certaines personnes n’est pas établie si solidement qu’on ne puisse les renverser. » Il se déclare donc contre l’homme d’État vénérable auquel il devait sa fortune. Prévoyant, intéressé, avide même, François d’Aerssen jugea qu’un chef militaire plein d’audace saurait mieux le récompenser qu’un vieillard en qui se personnifiait la vertu républicaine. D’autres prétendent, au contraire, que ce fut Maurice qui s’efforça d’attirer à lui et de gagner François d’Aerssen. Mais, une fois gagné, celui-ci se montra l’ennemi capital et personnel de Barnevelt. Il fut, comme on l’a dit, « l’auteur de tous les conseils violents et le principal exécuteur des passions de Maurice de Nassau. » C’est avec la plume artificieuse, mais éloquente, de François d’Aerssen que Maurice mina le crédit de son antagoniste et qu’il s’efforça de discréditer les remontrants. « M. le prince Maurice, dit Aubéry, se servit de sa plume pour parvenir à ses fins et pour rendre odieux ceux qu’il voulait perdre. » D’Aerssen passait donc pour être l’auteur des placards et des libelles dans lequels Barnevelt était accusé d’intelligence avec les Espagnols et avec ceux qui voulaient rétablir le « papisme » dans la république. Ces libelles, écrits dans la langue nationale, eurent un immense et pernicieux succès. Le-premier, intitulé : Conseil d’Espagne, tendait à faire passer Barnevelt et ses partisans pour des traîtres disposés à vendre l’État au roi d’Espagne. Voici le titre exact de ce pamphlet : Spaenschen Raedt, hoe men de Vereenigde Nederlanden alderbest wederom sal konnen brengen onder ’t gebiedt van den Coninc van Spagnien. Tot waerschouwinghe van alle vroome Nederlanders, voornaemelyk die in de regeeringhe des selven landen zyn, uyt de uytgegevene schriften van eenige spaensche Raetsluyden, kortelyck ende ghetrouwelyck door een liefhebber des Vaderlands uytghetrocken en ’t samen ghestelt. (1617, in-4o de 13 pages.) Un second écrit, intitulé Discours nécessaire, tendait à démontrer la nécessité d’un changement dans le gouvernement. Le titre seul était un programme : Nootwendigh ende levendig Discours van eenighe