Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/424

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l’homme investi d’une mission divine. Austère et plein de constance, doué de l’éloquence naturelle qui persuade et subjugue, ambitieux, ne méprisant pas la politique des intérêts, mais couvrant ses projets des formes de la modestie, patient, modéré, non moins fertile en expédients qu’en moyens de conciliation, persévérant, impénétrable, sachant à propos céder et se faire obéir; tour à tour iudulgent et inflexible, il se montrait à la fois, dans un siècle de violence, grand capitaine et profond politique. »

Ajoutons à ce magnifique portrait du héros de la première croisade, que ce fut à l’ensemble de ses grandes qualités qu’il dut la suprématie morale qu’il exerça réellement dans l’armée des croisés. S’il fut incontestablement le chef de l’armée chrétienne, titre que la postérité lui a décerné sans hésitation, il n’exerça cependant aucun commandement effectif[1]; tout son pouvoir résulta de l’influence personnelle que son caractère, sa sagesse et sa valeur lui avaient donnée sur ses compagnons. « Au milieu de leurs divisions et de leurs querelles, dit l’historien des croisades, les princes et les barons implorèrent souvent la sagesse de Godefroid; et, dans les dangers de la guerre, toujours dociles à sa voix, ils obéissaient à ses conseils comme à des ordres suprêmes[2]. »

Godefroid de Bouillon rendit à la religion d’incontestables services, lit à l’Église d’immenses largesses et montra toujours une piété sincère. Il ne fut pas canonisé cependant. Un écrivain contemporain faisant allusion à l’étonnement que cet oubli fait naître chez Juste Lipse[3], s’écrie que « l’Église ne se laisse point guider en cela par des considérations exclusivement terrestres, que, toujours sage et prudente, elle s’en est tenue sur le compte de Godefroid de Bouillon à la réalité et ne se laisse pas entraîner par l’enthousiasme des masses[4]. » Cette explication paraît peu concluante et peut-être le baron De Reiffenberg est-il plus près de la vérité lorsqu’il dit que « la croix rouge du croisé n’effaçait pas la tache indélébile du Gibelin. "» L’Église, en effet, immuable dans sa politique comme dans ses desseins, a placé les devoirs envers le pape bien au-dessus des devoirs envers le prince; rien n’autorise donc à douter qu’elle ne se ressouvint toujours que Godefroid entra dans Rome avec les légions impériales.

Quoi qu’il en soit, le sentiment des masses, qui parfois est aussi l’expression de la volonté de Dieu, a suppléé à l’abstention de l’Église et il a rangé Godefroid de Bouillon au nombre des bienheureux[5].

Une magnifique statue équestre du héros de la première croisade, due au ciseau de M. Eugène Simonis, orne depuis 1848 la place Royale de Bruxelles.

Général Guillaume.

Michaud, Histoire des Croisades; Bibliothèque des Croisades: Correspondance d’Orient. — Van Hasselt, Les Belges aux croisades. — De Reiffenberg, Monuments pour servir à l’histoire, etc., t. IV. — Von Sybel, Geschichte des ersten Kreuzzugs. — Borgnet, Histoire du comté de Namur. — Ernst, Histoire du Limbourg. — Hody, Description des tombeaux de Godefroid de Bouillon — Les diverses biographies de Godefroid de Bouillon, par Th. Juste, Van Hasselt et Al. Henne. — Bulletins de la Comm. d’histoire et de l’Académie royale de Bruxelles, 1846 et 1857, etc.

BOUILLON (Michel), peintre de nature morte, du XVIIe siècle. Il naquit à Ere, près de Tournai, et fut reçu franc-maître de Saint-Luc, dans cette ville, en 1638. On y conserve quelques-uns de ses tableaux. Ce peintre donna des leçons à Philippe de Champagne.

Ad. Siret.

BOULÉ (André), chevalier, jurisconsulte, lieutenant-général du bailliage du Quesnoy, conseiller du parlement de Flandre, naquit dans le Hainaut, vers 1650 et mourut président du Conseil provincial de Valenciennes vers 1722. Des renseignements nous manquent sur sa famille, ses années d’étude et ses

  1. Le comte de Blois fut plutôt que Godefroid le chef officiel de l’armée, car il présidait le conseil des chefs qui décidait de toutes les opérations militaires. (Albert d’Aix.)
  2. Michaud.
  3. Quem mirari aliquando subiit non et ipsum relatum in divorum numerum, tam claris testatisque meritis. (Monita et exempla politica)
  4. Le baron Hody, Description des tombeaux de Godefroid de Bouillon, etc.
  5. Gazet, Histoire ecclésiastique des Pays-Bas. Acta Sanctorum, julii, t. IV, p. 345.