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essais n’étaient pour l’artiste qu’un délassement. Dans sa tragédie de La mort de Beiling, on rencontre des passages très-pathétiques.

Ce qui mérite tous nos éloges, ce sont ses ouvrages sur l’enseignement. Il pu- blia vers 1820 un livre important, les Leçons de dessin, œuvre excellente, comprise avec sagesse, exécutée avec amour et talent. Aussi fut-elle, dès son apparition, adoptée par plusieurs académies de l’Europe; sa collection de statues dessinées au trait d’après l’antique, fut exécutée de sa main, afin que ses élèves fussent dirigés complètement selon ses vues. L’ensemble, embrassant toutes les phases diverses des études d’un peintre, est un véritable monument qui survivra aux modes et au temps, car il est basé sur les règles les plus parfaites et sur la beauté dans ce qu’elle a de plus complet. Une circulaire du ministre de l’instruction publique d’alors, M. le baron Falck, engagea les directeurs de toutes les académies à mettre entre les mains de leurs élèves cet excellent livre.

L’ouvrage est divisé en quatre parties : La première concerne tout ce qui a rapport au corps humain mesuré d’après les plus célèbres statues de l’antiquité; la seconde est destinée à l’expression des figures et à l’intelligence des contours; la troisième renferme l’enseignement des figures ombrées et l’explication théorique et pratique des effets de la lumière sur les corps; la quatrième, enfin, est un traité de myologie aussi complet que possible, avec tous les détails que comporte cette partie de l’organisme humain. Comme complément, l’ouvrage contient une nomenclature myologique et ostéologique rédigée en trois langues, latine, flamande et française. De nos jours encore, ce traité est l’un des meilleurs que l’on connaisse et il est partout en usage.

Les dernières années de Van Brée furent éprouvées par la maladie; plusieurs attaques d’apoplexie avaient graduellement brisé ses forces; sa vue s’était affaiblie et il vécut en languissant jusqu’au 15 décembre 1839. Il comptait trente-cinq années de professorat. Van Brée s’était marié, à son retour de Paris, à une jeune fille nommée Thérèse van Pelt; il en eut un fils qui n’a pas laissé de nom dans les arts. La fin de la vie de notre peintre ne fut pas exempte de chagrin. Son enseignement, classique par excellence, eut à subir le rude assaut du romantisme; il dut voir avec une profonde douleur ce moment de crise où la couleur régna en maîtresse absolue au détriment de toutes les autres qualités essentielles de la peinture; c’était une réaction contre l’excès des règles académiques, contre la raideur, la sévérité, les froides exigences du style de David; mais une réaction aveugle, sans règle et sans raison; aux graves sujets de l’histoire ancienne, succédèrent les épisodes les plus fantastiques extraits des romans en vogue, et le pauvre Van Brée dut éprouver un douloureux étonnement en voyant des fantômes, des héroïnes échevelées, de romanesques brigands, détrôner les vieux Romains, les Athéniennes ou les héros plus modernes dont il avait aimé à représenter les hauts faits. Mais l’épreuve ne dura qu’un temps fort court, comme toutes les modes exagérées. L’exubérance de la forme et de la couleur s’humilia devant la règle et le dessin; une transaction eut lieu, et, du fatras multicolore et multiforme, sortit la belle, l’harmonieuse école qui fait l’orgueil de la Belgique moderne. Il fut donné à l’initiateur de tant d’artistes aujourd’hui célèbres, il fut donné au plus dévoué des citoyens et des maîtres, de voir naître et grandir ces dignes représentants de l’école flamande; il assista aux premiers succès de ses élèves, nous allions dire de ses enfants, car, jamais il n’y eut de père plus attentif, plus consciencieux, plus soucieux de la science et de la gloire de ses rejetons que ne le fut Van Brée pour ses élèves. Il n’épargnait aucun soin, aucune fatigue; il donnait ses leçons avec un affectueux dévouement et avec une éloquence entraînante qui frappait les auditeurs les plus indifférents. Un squelette d’une main, un morceau de craie de l’autre, le modèle vivant à côté de lui, il dessinait, démontrait, expliquait avec une admirable clarté le