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les fortifications des places étaient dans un état de délabrement incroyable. Bedmar, sans perdre de temps, ordonna des levées de troupes, fit réparer les places, construire de nouveaux ouvrages pour en augmenter les moyens de défense, et couvrir la frontière par des lignes et des retranchements.

Les hostilités commencèrent dans les Pays-Bas en 1702. Le maréchal de Boufflers commandait les troupes françaises que Louis XIV y avait fait avancer dès l’année précédente ; le marquis de Bedmar était à la tête des troupes hispano-belges. Les alliés, dans cette campagne, prirent Venlo, Stevensweert, Ruremonde, Liége. En 1703, ils s’emparèrent de la ville de Gueldre et de la province de Limbourg ; mais les troupes des deux rois remportèrent une victoire signalée, le 30 juin, à Eeckeren, sur le général hollandais d’Obdam, qui y perdit quatre mille hommes, huit cents prisonniers et presque toute son artillerie : le marquis de Bedmar eut la principale part au succès de cette action par son activité, par sa valeur et par les bonnes dispositions qu’il avait prises. La campagne de 1704 ne fut marquée par aucun événement d’importance : Bedmar, étant tombé malade, quitta l’armée au mois d’août.

Louis XIV s’était fait donner par son petit-fils de pleins pouvoirs pour régir, en son nom, les Pays-Bas ; il y envoya, outre le maréchal de Boufflers, dont l’influence n’était pas restreinte aux affaires militaires, M. de Puységur et l’intendant de Bagnols. D’accord avec le comte de Bergeyck (voir ce nom), ces ministres s’appliquèrent à organiser, autant que possible, à la française, l’administration du pays. La constitution du gouvernement entraînait des lenteurs dans l’expédition des affaires, ils la firent changer ; les trois conseils d’État, privé et des finances, qui existaient depuis Charles-Quint, furent remplacés par un conseil unique ; le conseil suprême de Flandre à Madrid fut supprimé ; on réunit dans les mains du comte de Bergeyck les charges de surintendant général des finances et de ministre de la guerre (2 juin 1702) ; une série de mesures fiscales, dans le détail desquelles nous ne croyons pas devoir entrer ici, fut décrétée pour augmenter les ressources du trésor ; rien ne fut négligé, en un mot, pour tirer des Pays-Bas beaucoup d’hommes et beaucoup d’argent. Bedmar accorda avec empressement son concours à tout ce qu’on lui proposa dans ce but[1].

Tant de zèle pour les intérêts des deux rois, tant de docilité envers les généraux et les ministres français, ne demeurèrent pas sans récompense. Louis XIV fit avoir à Bedmar les patentes de commandant général des Pays-Bas dont nous avons parlé, une gratification extraordinaire de deux mille écus par mois (août 1701), la grandesse, qui était l’objet de toute son ambition[2], et le caractère de conseiller d’État (août 1703) ; il lui envoya le collier de ses ordres avec le brevet d’une pension de dix mille écus (janvier 1704) ; enfin lorsque, après la bataille d’Hochstedt, l’électeur de Bavière, chassé de ses États, revint à Bruxelles, il obtint pour lui la vice-royauté de Sicile (septembre 1701) : Bedmar avait, dès l’année 1701, aspiré à cette dignité ; le cardinal Portocarrero avait même proposé à Philippe V de la lui conférer : mais le maréchal de Boufflers fit écarter alors sa nomination, en représentant à Torcy qu’on ne pourrait avoir aux Pays-Bas un commandant général « ni mieux intentionné, ni plus commode et traitable que lui. »

Bedmar quitta Bruxelles le 12 février 1705, pour se rendre, par la France, à son nouveau poste. Le 2 mars, à Versailles, il salua Louis XIV, qui l’ac-

  1. Dans une dépêche du 30 octobre 1701 à Torcy, Boufflers rend témoignage de « la docilité qu’a Bedmar de se laisser conduire en beaucoup de choses. » En d’autres occasions encore, lui et Puységur s’expriment dans le même sens.
  2. Au mois de mai 1702, Saint-Simon se trompe lorsqu’il dit que Louis XIV sans lui en avoir rien laissé pressentir, obtint pdur Bedmar la grandesse de première classe. (Mémoires, II, 368) Le reg. Pays-Bas, trois derniers mois de 1701, aux archives des affaires êtrangères, à Paris, contient une lettre de Bedmar à Torcy, du 28 octobre 1701, où il demande que le roi appuie à Madrid la requête par laquelle il sollicite la grandesse, et la réponse de Torcy du 3 novembre, dans laquelle il lui marque qu’il va charger le comte de Marsin de faire les plus fortes instances en sa faveur.