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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/88

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AURORA FLOYD

donné son opinion sur la mort récente de l’entraîneur, il sortit du cottage et était tout prêt à rentrer au château avec Mellish, pour boire encore une bouteille du porto bienfaisant couché dans la cave du père de son hôte depuis vingt ans.

Le constable, debout près de la chandelle qu’on avait allumée et plantée sans cérémonie dans une vieille bouteille à cirage, tenait encore le gilet dans sa main. Il le tournait et retournait de tous côtés ; car en vidant les poches il avait senti à l’intérieur une substance épaisse, quelque chose comme du papier plié, mais il n’avait pu sur le moment découvrir où il était. Bientôt il laissa échapper une exclamation de surprise, car il venait de trouver une solution à cette difficulté. Le papier était cousu entre la doublure et l’étoffe du gilet. Il avait fait cette découverte en examinant la couture, dont une partie présentait un point grossier fait avec un fil d’une couleur différente du reste. Il ouvrit cette partie de la couture et sortit le papier, lequel était couvert de sang au point qu’il eût été impossible à Dork de déchiffrer les caractères qui y étaient tracés.

— Je n’en dirai rien, — pensa-t-il ; — je vais le garder pour le montrer au coroner : je suis sûr qu’il en tirera quelque chose, lui.

Le constable replia le papier et le plaça dans un portefeuille en cuir, réceptacle massif dont le seul aspect devait frapper de terreur les rustiques délinquants.

— Je le ferai voir au coroner, — pensait-il : — et, s’il en sort quelque chose de particulier, j’aurai une récompense pour ma peine.

Le chirurgien du village, n’ayant plus rien à faire, se préparait à quitter la petite chambre encombrée où se trouvaient encore les domestiques, comme s’il leur coûtait de s’arracher de la présence du mort, sur lequel Morton avait étendu un drap rapiécé, enlevé au lit de la chambre à coucher. L’idiot avait assisté assez tranquillement à cette lugubre scène, épiant l’un après l’autre les visages de toutes les personnes rassemblées dans la chambre ; son visage ha-