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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

adressa plusieurs questions aux témoins. Dunbar fut lui-même la première personne interrogée. Il fit le récit très-simple et très-intelligible de tout ce qui s’était passé depuis son débarquement à Southampton.

— J’ai trouvé le défunt qui m’attendait au débarcadère, — dit-il ; — il m’a raconté qu’il était venu en remplacement d’une autre personne. Je ne l’ai pas reconnu tout d’abord… c’est-à-dire que je n’ai pas reconnu en lui le valet qui avait été à mon service avant mon départ d’Angleterre, il y a trente-cinq ans. Mais il s’est fait connaître plus tard, et il m’a dit qu’il avait rencontré son frère à Londres, le 16 du courant, et avait fait avec lui une partie du trajet vers Southampton. Il m’a raconté aussi qu’en route Sampson Wilmot, beaucoup plus âgé que lui, était tombé malade, et que leur séparation avait eu lieu.

Dunbar dit tout cela avec calme, et délibérément. Il était même si calme, si résolu, qu’on aurait dit presque qu’il récitait quelque chose appris par cœur.

Lovell, qui le regardait attentivement, s’en aperçut et en fut étonné. C’est chose habituelle qu’un témoin, même indifférent, en faisant sa déposition sur quelque chose de peu important, soit confus, balbutié, hésite et se contredise même. Mais Dunbar n’était nullement ému par l’affreux événement. Il était pâle, mais ses lèvres serrées, son attitude raide, et son regard résolu attestaient la vigueur de ses nerfs et la force de son intelligence.

— Cet homme doit être de fer, — se dit Arthur. — C’est un homme supérieur ou un coquin fieffée J’ai peur de choisir entre les deux.

— En quel endroit feu Joseph Wilmot a-t-il dit qu’il avait laissé son frère Sampson ? — demanda le coroner.

— Je ne m’en souviens pas.

Le coroner se gratta le menton d’un air pensif.

— C’est un peu étrange, — dit-il ; — le témoignage