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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

de ce fardeau, mais elle avait accepté sa présence sans se plaindre.

« Je ne me suis jamais sentie une bien grande autorité dans la maison, disait-elle à Charlotte, mais ce dont je suis sûre, c’est que depuis que Nancy est ici, je sens que je ne suis plus qu’un zéro. »

Mme Woolper qui avait le coup d’œil vif et observateur, ne fut pas lente à s’apercevoir que Sheldon surveillait avec une anxiété anormale la conduite de sa belle-fille ; elle attribuait cette anxiété à un naturel soupçonneux, à une méfiance des autres, naturelle à son maître et, dans une certaine mesure, à son ignorance du caractère des femmes.

« Il semble penser qu’elle va se sauver et se marier en cachette, sur un mot de ce jeune homme, mais il ne connaît pas combien elle a l’âme bonne et innocente, et combien elle serait peinée de déplaire à quelqu’un qui aurait été bon pour elle. Je ne sais rien sur le compte de Mlle Paget. Elle a plus de morgue que notre jeune demoiselle, bien qu’elle ne soit qu’une sorte de servante bien née, mais elle paraît assez franche. Quant à notre demoiselle, que Dieu bénisse son cher et tendre cœur, il n’y a pas besoin de la surveiller, je le garantirais. Mais ces hommes de la Cité, avec leur hausse et leur baisse, qui causent toujours la ruine de celui-ci ou de celui-là, ils ont beau faire ! Leur pauvre tête est si bourrée de chiffres, qu’ils ne peuvent croire qu’il existe au monde quelque chose qui s’appelle l’honnêteté. »

Telle était la nature des réflexions auxquelles se livrait Nancy quand elle était retirée le soir dans sa chambre.

C’était une petite chambre très-confortable, consa-