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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

devant elle ; elle ne savait pas quelles difficultés elle aurait rencontrées pour se faire admettre même dans ce triste asile, elle ne pensait qu’aux horreurs de cet établissement, et elle bénissait la bienfaisance de son ancien maître, qui avait accepté le service de ses mains défaillantes.

Telle était la servante sur laquelle Sheldon comptait ; il la voyait reconnaissante et prête à le servir avec le dévouement presque aveugle d’une esclave. Il savait qu’elle l’avait autrefois soupçonné, mais il croyait qu’elle avait abandonné tous ses soupçons.

« Il y a une prescription pour ces sortes de choses, comme pour les dettes, se disait-il à lui-même, un homme peut s’accommoder de tout, quand il se rend bien compte de sa position. »


CHAPITRE II

FERME COMME UN ROC

Après l’entretien entre les deux jeunes filles à minuit, dans la chambre de Mlle Halliday, l’existence suivit un cours paisible dans la villa gothique, pendant deux ou trois jours.

L’expansive Charlotte, n’ayant pas la permission de parler ouvertement du changement de fortune de son amie, fut contrainte de soulager son besoin de franchise, par de furtifs embrassements, des serrements de main, des signes de tête pleins d’intention, et de malins clignements de ses grands yeux gris bleu.