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LA FEMME DU DOCTEUR

faiblement à ses yeux à travers les branches dépouillées des arbres.

La nouvelle existence d’Isabel était fort agréable. Plus de beurre à aller chercher, plus de commissions mystérieuses dans Walworth Road. Tout dans la maison de M. Raymond était brillant, poli et coquet. Il y avait une femme de charge d’âge mûr qui régnait souverainement, et une servante industrieuse sous sa surveillance. Isabel et ses élèves occupaient deux jolies chambres situées au-dessus du salon, prenaient leurs repas ensemble, et jouissaient de leur propre compagnie du matin au soir. Les enfants étaient assez bornées, mais c’étaient de bonnes natures. Elles avaient connu les souffrances cuisantes de la pauvreté, l’achat du beurre au détail, les jours déserts où l’oasis du dîner ne paraissait pas, les viandes froides arrosées de mélancoliques tasses de thé. Un soir elles racontèrent toute leur misère à Isabel ; comment leur pauvre maman avait pleuré quand l’agent du shérif était venu, disant qu’il en était fâché pour elle, mais qu’il fallait qu’il fît l’inventaire, et saisissant jusqu’au portrait de papa et aux couverts d’argent qui avaient appartenu à grand’maman. Mlle Sleaford s’occupa consciencieusement de sa tâche, et fit étudier à ses patientes élèves les charmants abrégés d’histoire ancienne et moderne de Pinnock. Elle leur communiqua une dose fort légère de l’Heptarchie et des Normands et aussi des premiers rois Plantagenets ; mais elle leur parla longuement d’Anne de Boleyn et de Marie, reine d’Écosse, de la jolie princesse Marie, reine de France et femme de Thomas Brandon, de Marie-Antoinette et de Charlotte Corday.