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LA FEMME DU DOCTEUR

tremblait un peu quand elle prit dans sa main la main timide qu’on lui tendait ; elle regarda Gilbert à la dérobée et pensa qu’il avait presque aussi bon air que le portrait de Walter Gay par M. Hablot Browne, et que si elle avait seulement un père qui la frappât et la chassât, le roman de sa vie serait après tout fort tolérable. Pendant ce temps, George plaidait sa cause ; il concluait aux rougeurs et au silence d’Isabel que sa recherche n’était pas sans espoir. Enhardi par l’encouragement tacite que lui donnait la jeune fille, il devint de plus en plus éloquent, et en vint à lui dire comment il l’aimait depuis le premier jour ; oui, depuis cette soirée d’été pendant laquelle il l’avait vue assise sous le poirier dans le vieux jardin, éclairée par derrière par les rayons du soleil couchant.

— J’ignorais alors que je vous aimais, Isabel… permettez-moi de vous appeler Isabel ; c’est un si joli nom ! Je l’ai bien souvent écrit sur les pages d’un buvard, et maintes fois à mon insu. D’abord je prenais pour de l’admiration le sentiment que vous m’inspiriez parce que vous êtes belle et bien différente des autres jolies femmes ; puis, bien que mes pensées fussent pleines de vous, et que votre image me remplît d’étonnement, je ne voulais pas croire que c’était parce que je vous aimais. C’est seulement aujourd’hui, en ce jour bienheureux, que j’ai compris le vrai sens de mes sentiments et maintenant je sais, Isabel… chère Isabel… que je vous ai aimée dès le premier jour, dès la première minute.

Tout ceci était bien conforme à la formule. Le cœur d’Isabel tressaillait comme les ailes d’un oiseau qui s’essaye à voler pour la première fois.

« Voilà ce que c’est que d’être une héroïne, » pen-