Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LA FEMME DU DOCTEUR.

— Elle est charmante et jolie, Master George. — dit enfin le philosophe d’un ton très-pensif. — Je crois que je n’ai jamais vu personne aussi jolie, bien que sa beauté ne soit pas de cette espèce haute en couleur qu’on estime tant à Graybridge. Elle est douce et blanche, et elle ressemble aux statues de la cathédrale d’York, et ses regards semblent se perdre dans l’éloignement quand vous les regardez. Oui, elle est charmante et jolie.

— Je lui ai dit combien je l’aime, et… et vous l’aimez aussi, Jeff, n’est-ce pas ? — demanda George dans un ravissement de bonheur qui fut plus fort que sa timidité naturelle. — Vous l’aimez et elle vous aime, Jeff, et elle vous aimera davantage à mesure qu’elle vous connaîtra mieux. Et elle sera bientôt ma femme, mon bon Jeff !

La voix du jeune homme trembla lorsqu’il annonça cette grande nouvelle. Tout l’enthousiasme de sa nature semblait se concentrer dans les émotions de cette journée. Pour la première fois il aimait et il avait fait l’aveu de son amour. Son cœur sincère et fidèle, aloès merveilleux qui ne devait porter qu’une fleur, s’était épanoui tout à coup, et toute sa vigueur avait passé dans cet unique épanouissement. La fleur de l’aloès peut continuer à s’épanouir à jamais, ou bien se faner et mourir, mais elle ne renaît pas une seconde fois.

— Elle sera bientôt ma femme, Jeff, — répéta-t-il, comme si, dans ses paroles, était contenu un bonheur immense.

Mais, ce soir-là, Jeffson avait l’air très-emprunté. Ses facultés de conversation semblaient avoir subi une sorte de paralysie. Il parlait lentement et faisait de longues pauses de loin en loin.