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LA FEMME DU DOCTEUR

fuseau, ornés à profusion de bagues rares et précieuses.

Puis les accessoires. Une chambre antique lambrissée en vieux chêne, bien entendu, — du chêne noir, fouillé par des sculptures grotesques et diaboliques, faisant saillie aux angles ; un globe de cristal sur un piédestal de porphyre ; un tableau mystérieux recouvert d’un voile noir, la mort immédiate étant le châtiment de ceux qui oseraient en soulever le moindre coin. Une cheminée de marbre noir, et des panoplies de pistolets et de cimeterres, d’épées et de yatagans, — surtout de yatagans, — brillant et flamboyant aux lueurs du foyer. Une légère excentricité dans le choix des commensaux du logis : un ours sous le canapé et un cobra di capella apprivoisé, roulé en spirale sur le tapis. Voilà ce que le public à un sou attendait de Sigismund Smith, et que trouvait-il ? Un jeune homme au visage taché d’encre, habitant une chambre malpropre dans le Temple, et entouré, en fait d’objets romanesques, d’une corbeille à papier, d’une litière de vieilles lettres et d’épreuves maculées, et d’une théière fêlée chauffant tout doucement sur son trépied.

C’était là le jeune homme qui dépeignait le luxe extravagant du logis de Montefiasco et la mystérieuse élégance du boudoir discrètement éclairé de Diana Firmiani. C’était là le jeune homme dont les œuvres contenaient plus de portes cachées, d’escaliers dérobés, de cadres tournant sur pivot, et de panneaux à coulisse que tous les vieux châteaux réunis de la Grande-Bretagne, et une étendue de souterrains suffisante pour établir un chemin de fer de la frontière d’Écosse au cap Finistère. C’était là le jeune homme qui, dans un premier volume de poésie, — avait dit, en accents pas-