Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
LA FEMME DU DOCTEUR.

Était-ce le même taillis ? Il parut à Isabel qu’on l’avait rapetissé depuis la première excursion ; mais quant à la cascade, au paysage agreste, aux sentiers serpentant sous la futaie, à la tonnelle sous laquelle on allait dîner, — c’était bon pour les orphelines de battre des mains, de jouer sur l’herbe, et de s’élancer de moment en moment pour aller cueillir des fleurs sauvages plus gênantes que belles, car, après tout, il n’y avait rien de si remarquable dans ce bois de Hurstonleigh !

Isabel erra quelques instants isolément pendant que Raymond, George, et les enfants ouvraient le fameux panier. Elle était heureuse de cette solitude qui lui permettait de penser à Gwendoline et à son cousin. Lady Gwendoline Pomphrey ! — comme cela sonnait bien ! Ne rien posséder que ce nom c’était déjà le bonheur ; mais s’appeler Gwendoline Pomphrey et porter un chapeau de tulle blanc orné d’une délicate branche de bruyère et retenu par ces brides si larges, d’une blancheur si idéale, et nouées avec tant d’insouciance ! Puis, comme à la chute soudaine d’un rideau sur un théâtre brillant, la scène s’obscurcit et Isabel pensa à sa propre existence, — à cette existence vers laquelle il lui faudrait revenir lorsque la nuit serait venue ; au petit et au grand parloir, — où était l’utilité de distinguer l’un de l’autre dans leur misérable nudité ? — au pain, au fromage et aux radis, — comme ce George en consommait de ces radis, et comme il les broyait entre ses dents avec un bruit strident et odieux. La malheureuse enfant ressentit un désespoir immense en pensant à sa demeure vulgaire ; — à cette demeure où elle était confinée à jamais, — dépourvue de l’espérance qui éclaire, du souvenir qui sanctifie ; — à sa demeure, où elle trouvait