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LA FEMME DU DOCTEUR.

du Rhin et le bruit de la voix de son compagnon eurent une influence si agréable sur Raymond, qu’il s’endormit bel et bien pendant que George discourait ; ce que voyant, le jeune homme tira un journal local de sa poche, le déplia doucement, et se mit à lire.

— Voulez-vous venir cueillir des fleurs avec nous, Izzie ? — dit à voix basse une des orphelines. — Il y a des églantiers et du chèvrefeuille tout près d’ici. Venez, dites ?

Mme Gilbert quitta volontiers la tonnelle. Elle s’éloigna avec les deux enfants par ces sentiers ravissants qui tantôt descendaient vers une sorte de ravin, tantôt remontaient vers le taillis. Les orphelines avaient beaucoup de choses à dire à leur ancienne gouvernante. Elles avaient une autre institutrice.

— Elle ne vous ressemble pas du tout, chère madame Gilbert, — dirent-elles, — et nous vous aimons mieux, bien qu’elle soit très-bonne pour nous ; mais elle est vieille, vous savez, très-vieille… elle a plus de trente ans, et elle nous fait ourler des mouchoirs de batiste et elle se fâche tout rouge quand nous ne rangeons pas nos affaires. Et puis elle nous fait faire des calculs bien difficiles ; et au lieu de nous raconter des histoires lorsque nous nous promenons avec elle comme vous faisiez, — vous vous rappelez, l’histoire de Pelham ? oh ! comme j’aime Pelham et Dombey ! et le petit enfant qui meurt, et Florence ! — elle nous parle de botanique et de jologie (les orphelines appelaient cela jologie), de couches tertiaires, de terrains gypseux, et d’autres choses de ce genre. Ah ! chère Izzie ! je voudrais bien que vous ne vous fussiez jamais mariée !