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LA FEMME DU DOCTEUR.

Il rentra chez lui découragé, abattu, doutant de lui-même, doutant de Gwendoline, du monde entier. Le lendemain à la première heure il reçut de sa cousine une lettre qui le relevait froidement de son engagement. L’expérience de la veille avait prouvé que leurs caractères n’étaient pas compatibles, disait-elle ; il était donc préférable qu’on se quittât immédiatement, puisqu’il était encore possible de le faire, en de bons termes. Rien ne pouvait être plus digne et plus décidé que ce congé.

Lansdell mit la lettre dans sa poche ; la jolie lettre parfumée portant sur son enveloppe les armes des Ruysdale, la lettre élégante et féminine qui prononçait sa sentence sans une rature, sans une tache, sans une ligne indécise qui témoignât que la main avait tremblé. Elle avait tremblé peut-être cette main, car Gwendoline était femme à recommencer douze fois sa lettre plutôt que d’y laisser paraître le moindre indice de faiblesse. Roland mit la lettre dans sa poche et se résigna à son sort. Il était beaucoup trop fier pour appeler de la décision de sa cousine, mais il l’avait sincèrement aimée, et, si elle l’avait rappelé, il serait revenu et lui aurait pardonné. Il resta en Angleterre une dizaine de jours après avoir fait ses préparatifs de départ, dans l’espoir que sa cousine le rappellerait ; mais un matin qu’il était assis dans le fumoir de son club, le visage caché derrière les pages du Morning Post, il partit d’un violent éclat de rire.

— Que diable avez-vous, Lansdell ? — demanda un jeune homme que cette hilarité de mauvais aloi avait surpris.

— Rien d’extraordinaire ; je lisais l’annonce du prochain mariage de ma cousine Gwendoline avec le