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LA FEMME DU DOCTEUR

du même coup. Elle quitta le monde où sa carrière porta silencieusement son chagrin. Elle aussi avait jeté sa meilleure carte et avait perdu, et maintenant que le marquis était mort et Roland à l’étranger, le monde commença à dire tout bas que la dame avait dédaigné son cousin et que la mort de son noble fiancé était la juste punition infligée par le ciel pour son iniquité ; — bien qu’il soit assez embarrassant de dire pour quelle raison ce pauvre lord Heatherland méritait d’être sacrifié en expiation des méfaits de lady Gwendoline Pomphrey.

Peut-être la fille de lord Ruysdale espérait-elle que son cousin reviendrait en apprenant la mort du marquis. Elle savait que Roland l’avait aimée ; quoi de plus naturel qu’il revînt à elle maintenant qu’il la savait libre de nouveau. Gwendoline gardait pour elle les secrets de son cœur, et personne ne savait lequel de ses deux adorateurs lui avait été le plus cher. Elle garda ses propres secrets et au bout d’un certain temps, lorsqu’elle commença à reparaître dans le monde, on remarqua que sa beauté n’avait que peu souffert du chagrin causé par son désappointement.

Elle était toujours très-belle, mais son prestige était parti. De jeunes impertinentes débutantes de dix-huit ans trouvaient vieille cette magnifique créature de vingt-quatre ans. N’avait-elle pas été fiancée il y avait très-longtemps à un certain M. Lansdell, puis ensuite au marquis de Heatherland ? Pauvre fille, que son sort était pitoyable ! On s’étonnait qu’elle ne partît pas pour Rome, qu’elle n’entrât pas dans la communauté de Mlle Sellon ou qu’elle ne fît pas quelque chose de ce genre. Le portrait de Gwendoline tenait toujours