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LA FEMME DU DOCTEUR

blait qu’un souffle les briserait ; des verres en forme de coupe, très-plats et pareils aux pétales du nénuphar, des verres légèrement verdâtres, et çà et là, des reflets prismatiques jouant au soleil. Mme Gilbert n’eut que de vagues notions sur la nature des mets qui lui furent servis à ce merveilleux banquet. Quelqu’un jeta un morceau de glace dans la coupe et la remplit ensuite d’un vin ambré et mousseux qui avait un parfum vague de pêches mûres et que quelqu’un désigna sous le nom de Moselle. Lansdell mit sur son assiette un composé d’une blancheur de crème qui était ou qui n’était pas du poulet, puis un domestique lui présenta un édifice de pâtisserie aérienne, plein d’un mélange mystérieux au milieu duquel il y avait de petits fragments noirâtres. Elle prit une cuillerée du mélange pour faire comme tout le monde ; mais les petits morceaux noirâtres lui inspirèrent quelques doutes, et elle pensa que ce devait être une erreur du chef. Enfin, on lui apporta une glace, une vraie glace, — absolument comme si le Prieuré de Mordred avait été une officine de pâtissier, — une glace violette en forme de poire, qu’elle mangea avec le bout d’une petite cuiller de vermeil ; puis on coupa l’ananas et elle en eut une tranche qui la désappointa quelque peu, attendu que ce fruit ne tenait pas les promesses de son apparence.

Mais tous les plats de ce banquet étaient « de cette matière dont sont faits les rêves. » Les groseilles, que les serviteurs de Titania servirent à Bottom, devaient avoir la même saveur. Pour Isabel, le moindre mets avait un arrière-goût du pays des songes. N’était-il pas à ses côtés, lui adressant la parole de temps en temps ? Les sujets qu’il traitait étaient assez vulgaires, il est