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LA FEMME DU DOCTEUR

et une toute mignonne fontaine qui chantait discrètement dans le calme de cette après-midi d’août.

Raymond et Lansdell ayant l’un et l’autre beaucoup de choses à dire, et Ruysdale et Gwendoline étant capables de causer agréablement sur n’importe quel sujet, la conversation ne cessa donc pas d’être animée, bien que le médecin et sa femme ne contribuassent que fort peu à faire rouler la balle.

Lansdell et ses hôtes avaient causé de toutes sortes de choses, se perdant à tout propos dans d’interminables digressions sur les sujets les plus inattendus, et ils en étaient venus, d’une façon ou d’une autre, à étudier la question de longévité.

— Je ne saurais dire que je regarde une longue existence comme un bienfait inestimable, — dit Roland, qui s’amusait à jeter de petits morceaux de macarons aux poissons rouges. — Ces poissons ne sont pas aussi intéressants que l’âne de Sterne, n’est-ce pas, madame Gilbert ? Non, je ne regarde pas une longue existence comme un bienfait, à moins qu’on ne soit à jamais ardent et jeune, comme notre cher Raymond. Peut-être bien n’estimé-je pas le fruit à sa valeur, par la raison que je ne puis l’atteindre ; c’est possible ; d’autant plus qu’il est avéré que les Lansdell ne vivent pas vieux.

Le cœur d’Isabel eut un frisson en entendant ces paroles de Roland, et involontairement, elle jeta un regard d’effroi sur lui. C’était logique cependant ; ces êtres supérieurs doivent avoir une fin précoce et ils ne peuvent y échapper. Un sentiment douloureux lui comprima la poitrine à cette idée ; mais je doute néanmoins qu’elle eût voulu changer l’état des choses. Il était préférable qu’il mourut de la rupture d’un vais-