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LA FEMME DU DOCTEUR

la guider à travers les sentiers obscurs et mystérieux de la région magique qui s’étendait au delà.

Lansdell fit à sa compagne bon nombre de questions sur sa vie à Graybridge et sur ses lectures. Il reconnut que son existence était désœuvrée et qu’elle relisait sans cesse les mêmes livres, — les volumes délabrés des romans populaires qu’on trouve dans tous les cabinets de lecture. Pauvre enfant ! qui pouvait s’étonner de sa folle sentimentalité. Par esprit de charité, Roland lui offrit de lui prêter les livres de sa bibliothèque.

— Si vous pouvez passer par ici demain matin, je vous apporterai la Vie de Robespierre, et la Révolution française, de Carlyle. Il est probable que, dès l’abord, Carlyle ne vous plaira pas ; mais vous serez séduite lorsque vous serez habituée à son style. C’est comme un grand orchestre de fanfares qui vous assourdit tout d’abord, mais dont, graduellement, vous découvrez l’harmonie et dont vous appréciez la beauté d’instrumentation. Voulez-vous que je vous apporte en même temps les Girondins, de Lamartine ? Tout ceci fera un nombre de livres assez considérable ; mais vous n’aurez pas besoin de les lire avec trop d’attention. Vous prendrez çà et là les pages qui vous plairont et nous en causerons ensemble plus tard.

La Révolution française était un des épisodes chéris d’Isabel dans l’histoire universelle. Elle y voyait une période merveilleuse pendant laquelle une douce jeune femme de la province n’avait qu’à se rendre à Paris et à assassiner un tyran pour devenir une célébrité à travers les siècles. Lansdell avait découvert cette fantaisie spéciale en causant avec la femme du médecin et il était heureux de jeter l’éclat de la vérité sur les idées