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LA FEMME DU DOCTEUR.

ment, et une longue mèche emmêlée tombait sur son col d’une blancheur mate, — la blancheur de l’ivoire.

— J’aurais voulu que ce fût le Colonel Montefiasco, — dit Smith en montrant le livre que lisait la jeune fille. — J’aurais été flatté de voir une jeune personne intéressée à ce point par la lecture d’un de mes livres, qu’elle ne daignât pas même lever la tête lorsqu’il y a un gentleman qui désire lui être présenté.

Mlle Sleaford ferma son livre et se leva, touchée de ce reproche ; mais elle tint le doigt entre les pages, dans l’intention évidente de reprendre sa lecture à la première occasion. Elle n’attendit pas que George lui fût cérémonieusement présenté, mais elle lui tendit la main en l’accueillant d’un sourire.

— Vous êtes M. Gilbert, — dit-elle, — Sigismund nous a parlé de vous toute la semaine. Maman a préparé votre chambre et je crois que le thé ne tardera pas. Il aura quelques côtelettes en l’honneur de votre ami, Sigismund ; maman m’a dit de vous le dire.

Puis elle regarda son livre comme pour dire que son discours était fini et qu’elle désirait reprendre sa lecture.

— Qu’est-ce que c’est, Izzie ? — demanda Sigismund comprenant son regard.

— Algerman Mountfort.

— Je le pensais. Toujours ses livres !

Les joues pâtes de Mlle Sleaford se couvrirent d’une rougeur fugitive.

— C’est si joli ! — dit-elle.

— Dangereuse beauté, j’en ai peur, Isabel, — dit gravement le jeune homme ; — bonbons séduisants qui contiennent de l’opium. Ces livres vous rendent-ils heureuse, dites, Isabel ?