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LA FEMME DU DOCTEUR.
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fonde en contemplant un oignon piqué au bout de sa fourchette.

Il se disait qu’un père maltraitant sa fille ne serait pas un mauvais sujet de roman pour un journal à un sou et il construisit mentalement une intrigue nouvelle.

Si le travail de Sleaford devait être terminé cette nuit même, on ne l’aurait pas deviné à voir le peu d’empressement qu’il apportait à se mettre à l’œuvre. Les pas pesants arpentèrent longtemps le plancher de long en large, avec une régularité qui aurait pu faire prendre l’avocat pour un dévot catholique qui s’était imposé une pénitence et qui la mettait à exécution dans la solitude de sa propre chambre. Sur ces entrefaites, une horloge lointaine sonna onze heures, et un coucou, dans la cuisine, sonna trois coups, ce qui, pour la maison de Sleaford, pouvait être regardé comme un à peu près satisfaisant. Isabel et sa mère se levèrent comme pour se retirer : Sigismund les imita et alluma deux bougies pour lui et son ami. Il se chargea de conduire George à la chambre qui lui était réservée, et les deux jeunes gens montèrent l’escalier, après avoir souhaité le bonsoir aux dames. Horace dormait, les coudes sur la table, les cheveux flottant contre la bougie fumeuse placée près de lui. Le jeune médecin ne fit que peu attention à l’appartement où on le conduisit. Il était fatigué par le voyage et par cette longue journée d’été ; aussi se déshabilla-t-il promptement et s’endormit-il pendant que son ami lui parlait par la porte de communication ouverte entre les deux chambres à coucher. George dormit, mais mal, car il était habitué à une maison tranquille où personne ne bougeait après dix heures