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LA FEMME DU DOCTEUR.

un d’une sorte de mystérieux réceptacle de bois, du fond duquel sortait une voix. Les deux jeunes gens dînèrent, et George pensa que, à l’exception des pommes de terre frites qui s’éparpillaient sur son assiette quand il voulait les piquer avec sa fourchette et d’une odeur d’ail qui se remarquait dans toutes les sauces et même, mais plus faiblement, dans les entremets, un dîner français ressemblait assez à un dîner anglais. Mais Sigismund fit les honneurs de la table avec un air d’orgueilleuse satisfaction, et George ne put se défendre de faire claquer ses lèvres à la façon d’un gourmet, quand son ami lui demanda ce qu’il pensait de ces filets de sole à la maître d’hôtel et des rognons au sherry africain.

Quoi qu’il en soit, George vit approcher avec plaisir la fin du dîner et l’heure du retour à Camberwell. Il n’était encore que sept heures, et le soleil brillait sur les fontaines quand nos jeunes gens traversèrent Trafalgar Square. Ils prirent un omnibus à Charing Cross et allèrent jusqu’à la barrière de Walworth dans l’espoir d’arriver assez tôt pour obtenir une tasse de thé avant que Mme Sleaford laissât le feu s’éteindre ; car la bonne dame avait cette manie d’étouffer le feu de la cuisine à sept heures et demie ou à huit heures en été, après quoi il était absolument impossible d’obtenir de l’eau chaude, à moins que Sleaford ne désirât du grog, auquel cas on mettait une bouillotte devant un feu de bois.

George ne se préoccupait guère de la question du thé une fois de retour à Camberwell, mais il pensait avec un léger sentiment de plaisir à l’idée d’une promenade avec Isabel dans le jardin presque sombre. Il y pensait si bien, qu’il fut très-heureux lorsqu’il